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Témoignage d'un ex témoin de Jéhovah (de 0 à 22 ans) autiste Asperger devenu artiste
20 novembre 2017

Har-Maguédon (témoignage sous forme de prose poétique - 1996)

Voici d'abord un dessin de collège: le sujet donné en cours de dessin était d'utiliser divers éléments: une clé, une horloge, des dés, un couteau, un coeur, un serpent.

 Sur l'édifice au bout du chemin est écrit "médecin". Les symboles et l'expression sont assez forts pour dispenser de commentaires.

Prémonitoire?

En 1995, à l'âge de 22 ans, je fis un séjour en maison de repos,  préconisé par le médecin de famille pour cause de tendance à l'autolyse... nom médical pour signifier "suicide"...

 

Dessin prémonitoire collège

Le travail qui suit est dédié à Sébastien Koch (http://seb361.voila.net/), ex-témoin de Jéhovah, qui m'a donné envie de publier mon... mes témoignages. Témoigner en tant qu'ex témoin... une évidence! Pour moi, né la même année que lui, à quelques mois près, cela me touche, d'autant plus qu'il a été élevé lui aussi depuis sa naissance dans la Bergerie ... et j'ai apprécié son humour "Tintin", et m'a été révélée pour la première fois "la vérité" (lui qui met, et pour cause, tant en doute cette notion) sur les dates soit-disant prophétiques et surtout en ce qui concerne la date pivot 1914...; enfin je comprends – ils sont malins!... Pas besoin d'être matheux ou un champion de logique pour comprendre!

Je suis né en février 1973 (astrologiquement, je suis du Signe Poissons, celui du Christ! Et mon ascendant est Vierge... celui de Marie?).

Je me suis fait baptisé Témoin de Jéhovah à 17 ans.

Cinq ans plus tard, à 22 ans, je quittais l'Enclos de ma propre initiative, après une "crise spirituelle", une dépression.

Tout le monde étant différent, je peux dire que ce qui me caractèrise le plus, c'est ma vocation d'artiste, de poète. Ce jeune homme souffrant – la souffrance, seule cause commune à notre larguage – a trouvé refuge, et plus, salut, dans la poésie. Il dessinait aussi depuis enfant. Et cette pratique l'accompagnera toujours, ce qui expliquera la documentation iconographique que je vais joindre.

J'ai commencé à écrire au lycée, en 1993. D'abord de la poésie, puis une première nouvelle, Lumière noire, influencé par la découverte des surréalistes, qui fut vraiment un texte thérapeutique. Je peux faire une liste de livres (littéraires, ce qui était considéré comme nocif, subversif) qui ont été un souffle de liberté, un coup donné pour me pousser à faire le choix difficile que tout ex "Brebis" a dû faire pour devenir, indépendamment de notre volonté, "Chèvre"...

Pour ceux qui ne connaissent pas la rudimentaire cosmologie Jéhovine, le monde est composé de "Brebis", les serviteurs de Jéhovah qui seront en théorie sauvés à Har-Maguédon, jour de colère de Dieu nommé sous ce nom une seule fois dans la Révélation selon Jean (le terme "Saint Jean" étant à bannir), et de Chèvres, les "gens du monde" qui servent consciemment ou non Satan et qui constituent donc la majeure partie de la population, destinée à la destruction éternelle lors du grand Jour (the great Hour! pour rimer avec Watch Tower...)

Parmi les livres subversifs que j'ai lu, à ne pas mettre entre les mains d'un Témoin de Jéhovah: l'"innocent"Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne (sur lequel j'ai fait un dossier au lycée), ode océanique à la liberté (et même franchement libertaire dans sa conclusion originelle); l'anticlérical roman L'Automne à Pékin de Boris Vian et dont le titre ne paye pas de mine par rapport à son J'irai cracher sur vos tombes; le roman fantastique d'ETA Hoffmann intitulé Les Elixirs du diable  (un titre à faire fuir, alors qu'il penche plutôt du côté de Dieu au final...); le poétique Arcane 17 d'André Breton qui en appelle à la liberté et à la révolution dans les têtes...; enfin Les Fleurs du mal, recueil de poèmes dont certains ont été condamné en son temps et que je lisais en cachette. Ce dernier suscita l'écriture de mon recueil poétique majeure: Souffle – cela en était un énorme. Énorme aussi le travail sur moi, mais qui me précipitait vers un gouffre ... avant la délivrance. Il est dur de se libérer d'une Grande Famille qui t'a nourrie à sa mamelle chaleureuse et pourtant toxique. Dur, d'autant plus qu'en la quittant, tu as peur que tes parents te chassent de la maison, comme cela s'est vu. Que tu te retrouves rejeté, sans ami, sans repères, seul avec ton lourd bagage, avec tous tes conditionnements dans ce monde dur, de "Satan" duquel on a cru être protégé pendant 22 ans. Mais Satan, tu le côtoyais tous les jours à l'école, malgré toi. Satan, c'était ton espace de liberté. Ton oxygène. Sans lui tu n'aurais pu survivre. Là il n'y avait plus Jéhovah, plus tes parents. Tu osas "gruger"; de nature non violente, tu règlas en fin d'année ton compte à coups de poings donnés à deux "martyriseurs". Et pourtant, Jéhovah, tu l'avais toujours dans ton cartable. Toujours dans ta tête, plus que dans ton coeur où son nom était censé être gravé. Et tiraillé entre la volonté d'être comme Jésus-Christ, impuissant à l'être, et celle d'être toi (un enfant qui ne tend pas l'autre joue). Et quelle culpabilité, le jour où tu découvres le Désir...

Oui, "Satan" m'a sauvé: la poésie. Et je suis rentré dans la poésie comme on entre en religion... non pas parce que tu suis tes parents, que tu n'as pas le choix, que t'es né dedans; non pas par la peur, - mais par un plein choix qui correspond à un plein-ciel en pleine terre, par goût, affinité avec ton âme.

C'est en novembre 1996 que j'écrivis la première fois sur ce que j'avais vécu en tant que Témoin de Jéhovah. Ce texte, dans sa forme je le dois à Arthur Rimbaud et son chef-d'oeuvre Une Saison en enfer, dans son fond, je ne le dois qu'à moi-même, à mon expérience, vécue de l'intérieur. Je l'ai intitulé Har- Maguédon.

Trois-quatre ans après, en 1999, j'écrivis un livre autobiographique intitulé Mémoire. Avec plus de sérénité, de recul, de simplicité aussi dans l'écriture, j'y écrivais tous mes souvenirs, des plus profanes aux plus religieux, les deux intimement liés tant on se trouve sans cesse à cheval entre deux mondes: l'envahissement psychologique, l'imprégnation a toujours un impact dans le monde physique, dans ton mode de relation à l'autre. Bons et mauvais souvenirs se mêlent. Resté inachevé sur la période du collège.

J'ai écrit maints autres textes sur le sujet. Récemment, j'ai entrepris de poursuivre mon autobiographie sous une autre forme et un autre titre La Vie. Elle intègre Mémoire sans qu'il apparaisse sous sa forme originelle.

Mais ici je donnerai ce texte sous sa forme première avec ses appendices.

Je commence par Har-Maguédon auquel je joins un sous titre: une crise spirituelle d'un Témoin de Jéhovah. J'y joindrais quelques pages du manuscrit. Et quelques dessins ou peintures significatives.

 

 

 

 

 

HAR-MAGUÉDON

 

(une crise spirituelle d'un Témoin de Jéhovah)

 

Septembre ! Les moissons et les vendanges

Saison mûre pour parler

Parler haut et fort pour que tout le monde entende – tous ! –

certains plus que d’autres…

Aujourd’hui je sais que je suis heureux, sachant qu’Hier je ne l’étais pas

et je vais vous dire pourquoi.

Allons, me suis-je dit en marchant (Je date : 27 septembre 96), allons à l’essentiel.

Oui, comme Rimbaud, allons à l’essentiel. Ne puis-je pas à mon tour écrire ma Saison en Enfer ? – Maintenant que je suis armé de sérénité, contre la « Sérénité » je puis bien agir.

A vous mon expérience.

 

Jadis, si je me souviens bien… ma vie était un fourbi ; mon cœur un festin pour tous les insectes de la culpabilité et de la honte.

Antonin,

Tu as dis tellement vrai quand tu as dis : la honte, le dernier, le plus redoutable obstacle à la liberté.

La honte ? – :

 

Chose écarlate et amère, on la sent qui monte

Et viole voracement : c’est, fleur nue, la honte !

 

Oui, la honte ! la honte ! C’est la plaie !

Mais, je vois, vous ne comprenez pas…

Jéhovah, lui, me comprend. Il sait qui je suis. Vous aussi, Frères et Sœurs dans la Foi. C’est pour vous, d’un cœur innocent, que j’écris cela. Pour une fois, ne fermez pas votre esprit et votre cœur, ne dites pas : C’est Satan. Mais ces précautions, je les sais vaines, la Bible est sans défaut : Satan lui-même se transforme continuellement en ange de lumière (II Corinthiens 11 :14)…

 

***

MAUVAIS SANG

 

Mudussuz mu !… Ju mu mudus mu mûme

Mu PURUDU çu utu mu CHUR

Munn UFUR çu utu munn UNNUCUCE*

 

*Vers de Mur dans Souffle (1995). Traduction: "Maudissez-moi!... Je me maudis moi-même/ Mon paradis ça été ma chair/ Mon enfer ça été mon innocence"

 

 

 Je suis né prématurément – j’eus le sang souillé, malade à mourir. Expérience première dont je ne me souviens plus. Tout mon Moi est là et j’y suis encore. J’aurai toujours deux semaines de retard sur le monde. Ma mère en 1973… Moi, en 1973 ! non ce ne peut être un hasard. Où étais-tu, maman ? Toi aussi sous une bulle. O mes parents – maman, papa – deux semaines, vingt ans nous sépareront toujours. Il faudrait me sortir des limbes – cette bulle limbéale. Sanglots. Tympans qui font mal, pouls suffocant, mains en sueur – vous me regardez toujours à travers cette bulle – et moi toujours sans rien voir que le blanc des limbes, que le noir de la matrice. Mon mal ictérique*, mon mal ombilical. Ah ! Je suis sauvé ! Ah ! je souffle ! Ah ! Je suis vivant ! Vous ne savez pas ce que c’est que de sortir pour la deuxième fois d’une bulle, moi qui avait survécut d’une bulle dont je ne soupçonnait même pas l’existence, et qui était très haut. Je voyais le ciel, mais je le voyais à travers la bulle. Chaque animal avait un nom mais tous étaient Dieu. Et ce Dieu, on le nommait JEHOVAH : Dieu tout puissant qui a crée toutes ces choses que tu vois : les étoiles, les oiseaux, le vent chantant la grandeur de Jéhovah ! Jéhovah est ton Dieu. C’est lui qui t’as donné la vie, Dieu est amour. – Saloperie !

Oh ! Bonheur des premiers ans ! Inconscience, innocence, contentement, Joie !

 

                                                 En batifolant nus, ces natifs embryons

Impuissants du Ténèbre ils jouissent des rayons

Et se colorent une âme ouverte et amenée

Au soleil primitif, les yeux illuminés ;

Ils ont pour ami d’inaccessibles inconnus,

Pour berceau, l’esprit familier tombé des nues…

 

Enfant, je dansais sur Mozart, enfant, j’élevais des poupées, enfant, je jouais aux bêtes. Mon frère et moi… Instants délicieux ! Et j’aimais la nature et la nature était en moi. Mon bonheur, c’était les oiseaux – combien de fois je suis sorti dans nature pour les voir. Mon bonheur, c’était les livres de bêtes – j’allais en Afrique dans la savane, en Amazonie – boas, jaguars… - Partout je m’évadais. mon bonheur, c’était décalquer les bêtes – lions, gorilles, éléphants – dans les Animaux d’Afrique. Mon bonheur, c’était de collectionner les nids – troglodytes, pinsons, mésanges… – les os et les pierres. Mes bonheurs étaient nombreux.

Mais,

 

Dieu mon ami

Dieu mon ami

Dieu mon ami

J’avais zéro dans ma mémoire

J’avais zéro dans ma mémoire

J’avais zéro dans ma mémoire

J’savais pas dire que Blanc que Noir

J’savais pas dire que Blanc que Noir

J’savais pas dire que Blanc que Noir

Qu’tu m’racontais des histoires

Qu’tu m’racontais des histoires

Qu’tu m’racontais des histoires

Du p’tit du vert paradis Blanc

Du pt’it du vert paradis Blanc

Du p’tit du vert paradis Blanc

Dieu mon ami

Dieu mon ami

Dieu mon ami

Souviens nous quand

Souviens nous quand

Souviens nous quand

T’es né

T’es né

T’es né ?…

 

Je ne sais pas, mon ami. Tu t’en es bien sorti dans mon enfance, il faut l’avouer. L’enfance avorte tout. Dieu avorté, il faut lire ta Bible enfant. Que d’histoires grandioses et passionnantes n’ai-je pas lu – ne m’as-tu pas raconté dans ton recueil* : Abraham ! l’arche de Noé ! Moïse et ses plaies ! Jésus et ses miracles !… Ah ! et j’oublie – Adam et Eve ! Mais grâce ! Nous sommes sauvés : bientôt ton Paradis. Vraiment, il ne fallait pas plus pour bercer une âme d’enfant…

C’est ton procès que je fais maintenant, Dieu de Mensonge, Dieu de Terreur, Dieu Mavais. Il n’y a pas, sur terre de criminel à qui je couperais la tête !…

JEHOVAH : « Mais, cher Satan, je vous en conjure, une prunelle moins irritée ! »

Moi : Mon cul !

Ton histoire est si ridicule que j’aimerais pouvoir dire « Il était une fois… »

 

Certains ont eut l’expérience de la guerre – moi, du Péché. J’ai tant vu le Péché partout que je ne puis plus le voir. A quoi te comparer, sinon à une sangsue. – C’est la mortification ! C’est la mortification ! Je ne parle pas de pécadille, je parle de transgression, de vice, de souillure, de Destruction – vertige ! – je parle de mots à maux : ŒUVRES DE LA Chair, Mauvaise Conscience, Cœur mauvais, Impureté. Péché contre l’Esprit Saint ! Har-Maguédon ! Le poids de la croix ! – Non ! du poteau ! Se confesser… O Gens du Monde, Chèvres noires et Chèvres blanches, Cœurs à gauche, futur fumier du Paradis de Dios ! – Votre situation païenne est mille fois plus désirable que la Rose Pourpre. Sais-tu, toi, ouistiti, et toi, gitan bonhomme, mes amis – savez-vous que votre amour est en danger – par trop d’innocence, en vérité !

Ha !… Vérité ! J’ai trop entendu ce mot : « Comment as-tu connu la Vérité ? (blablabla…) Ah ! heureusement qu’il y’eut la Vérité !… (Oh oui ! blablabla blablabla) Et ce : « Quand as-tu pris Position ?… » – Mes pauvres !

J’ai été, moi, « L’Esclave-fidèle-et-avisé » J’ai été le Béthel. La Honte était mon siège.

Je vais verser ce mauvais sang sur vous. Il faut que je me saigne encore une fois. Cette fois, ce n’est pas le Pourpre qui me fait reculer, mais une certaine pudeur. C’est ma vie intime qu’il me faut violer – douleur pour moi d’ouvrir la blessure honteuse. Et dire qu’ils ne me croiront pas – et ceux qui me croiront refuserons son poids de sang – la rédemption du Christ ! la Rédemption du Christ ! Toujours ! toujours ! – C’est un sacrifice pour rien. L’on me pardonnera bien, sous plaidoyer de folie – ces petites vétilles – mais c’est sans effet, c’est une parole morte. Je suis mort à leurs yeux. Allons ! Puisque je suis mort – Sauvé ! – je peux tout oser :

Ecoutez, c’est La Honte qui vous parle.

J’étais déjà bien malade, c’était le temps de toutes les effusions, de toutes les confessions. A O, en qui je voyais mon salut, j’écrivais des lettres que je n’envoyais pas :

 

[Lettre à O]

 

Voilà tout le déballage d’un écrivain prématuré ! Imaginez ! 21 ans ! Non pas adulte – la fleur de l’âge ! Et je raconte mes 17 ans ! C’est l’enfance !

Sa perte…

L’écriture m’a sauvée. Et puis…Et puis… – Je vous le dirais après !

Croyez-vous que je sois fâché ? – Pas du tout ! Mais pas du tout… Pourquoi croyez-vous…

Allez ! dormons…

 

__________

 

On parle tellement de l’anatomie de l’Insecte en termes de lois, qu’on en oublie le mécanisme profond et son subtil appât-venin.

Que savez-vous des fantassins morpions, des Torbacs juteux ?

Hier, j’ai entendu des stupéfactions. Je dis des choses qui vous dépasse. Et vous ne savez pas tout. Moi-même ne sais pas tout. Il faut être humble.

                                 

                     La Pêche aux Hommes

 

Munissez-vous de la canne qui est l’œuvre de foi

Ajoutez-y le fil car il n’y a pas de bon sans l’aide de Jéhovah

N’oubliez pas l’élastique car la souplesse est un art

Les plombs et le bouchon équilibre en toute part.

 

Maintenant, mettez l’hameçon et les vers.

Des vers plein la sacoche pour attirer les gens.

Et un bon hameçon pour un message saisissant

Quand vous êtes prêts faites une courte prière

 

Et puis partez d’un point de vue positif.

Soyez zélés et bien attentif.

Dans cette tâche mettez toute votre personne.

Car maintenant le temps sonne

 

Dès que vous sentez l’intérêt que porte quelqu’un, ferrez !

Pour ne pas qu’il lâche prise, avec endurance, luttez !

C’est là qu’il faut utiliser toute votre douceur. Ainsi,

Aidez là à rentrer dans le récipient protecteur…

Et faites en aussi, un pêcheur d’hommes Zélé !…

 

                                        *

                           L'Appel

 

Mes yeux noyés dans l’obscurité de mon âme

Cherchent vainement une lueur d’espoir

Les tempêtes de l’esprit

Ont réveillés les eaux latentes de mon cœur

Gouffre de mes angoisses et de mes pleurs

Et les vagues acharnements de la vie

Délivrent de leur fracas

Des appels sans échos.

 

Qu’un rayon perce la voûte cabalistique

Flottent sur les flots houleux de mon âme

Pour dévoiler son voile de mystères insaisissables

J’attends qu’une brise légère et rafraîchissante

Pénètre mon esprit

Et que mon cœur retrouve la plénitude de sérénité d’antan

J’attends que la lumière noire s’éclaircisse

Et qu’enfin puisse se lever l’aube d’un nouveau jour

Je languis ce jour où une flamme m’embrassera

De ces doux baisers et tendres caresses

A l’apologie de l’amour et de la vie

 

 C’est moi La Pêche aux hommes, c’est moi ; l’Appel c’est moi.

Dualité du gouffre, cycles, tourbillons. Tempête de l’esprit et accalmies : J’étais ce flot de la mer poussé par le vent et ballotté…

Sept années, je crois – la perfection ! – séparent mon premier poème de l’Appel – mon second –

De La Douleur :

 

Mal noir ou blanc

Sensation sans couleur

L’âme lentement meurt

De ses pleurs innocents

 

Douleur cruelle

Qui t’appelle

Sans raison

Sans façon

Victime de la chair

Victime de tes chers

Pauvres mortels !

Et si frêles…

 

De l’Enfer :

 

Ma conscience me tance

Dans des fleuves de démence.

 

Des tours m’entourent

Comme pour bannir l’amour,

Seule résistance à mon silence

A mon aisance de folie

 

Je cours au cœur des marches,

Je souffle au rythme du vide,

Je souffre d’un mal avide,

Et je sens l’encens de l’arche

Empoisonner mon âme lâche.

 

Je regarde aux frontières de la vie.

Je plonge un œil dans la mort.

Hésitations d’un cœur inachevé,

D’une main blanche coupée,

M’abandonnent au gouffre dès lors

Plus béant à mon salut maudit.

 

Et je me frappe les dents qui suent

Et j’arrache mes cheveux de chiens.

Et je cherche mon visage éperdu,

Mais ne vois que d’un regard dépeint.

 

Un cri sourd s’échappe de mes reins.

Qui déplorera mon chagrin ?

J’ai vu planer l’ombre de Dieu,

Dans un fantasme d’enfant pieux

Et voler mon âme pour le diable

Pour le mal que j’embrasse

O Dieu rends moi mon âme !…

O cède à ma réclame !

A ma demande infâme

Et j’expierai le diable qui me lace…

(je tire par la queue le diable)

(Oh je tire par la queue le diable)

 

L’Enfer existe ! J’ai vu le Schéol*, j’ai vu l’ombre de l’Hadès*, j’ai vu la Géhenne* dans la Vallée de Hinnom*, j’ai vu le Tartare* ! J’ai été Trois jours dans le ventre du poisson ! Oh divines, les prophéties ! et la Fosse !

J’exagère… J’ai maintes fois vu le soleil entre deux nuits.

Oui… Mais c’était un fauteur de troubles aux éphémères rayons. Les eaux troubles du Léthé…

Mais l’aiguillon de la conscience !

Je la voyais… Je la regardais, les jambes lubriquement ouvertes au spasme sensuel du jouir qui la renversait en arrière, la croupe saillante, la poitrine offerte au sucer du soleil, et qui la faisait, avec un érotisme raffiné – évoé ! évoé ! – se prendre la chevelure dégoulinante de sueur et de gloire

Je la désirais…

Tout ça pour un cri femelle qui s’échapperait de sa chair délicieuse et concupiscente !

O Statue ! J’ai péché contre toi !

La sentence : «  Vous avez entendu qu’il a été dire « tu ne commettras pas d’adultère. » Mais moi, je vous dis que quiconque continue de regarder une femme au point de la désirer, a déjà commis, dans son cœur, l’adultère avec elle. Si donc ton œil droit te fait trébucher, arrache-le et jette-le loin de toi, car il est plus avantageux de perdre un seul de tes membres que de voir tout ton corps s’en aller dans la Géhenne. »

MATTHIEU 5 :22… C’est certain… je suis coupable… Mais… l’ai-je bien regardé au point de la désirer ? Oui… Je crois bien qu’elle est morte, car je ne l’ai plus revue… Dieu ! aide-moi ! Il me comprend…Il me connaît…Il connaît mes faiblesses… Et puis… ça s’applique qu’à l’adultère, je ne suis pas marié ! Non… Non… A « Adultère » s’entend aussi « Fornication ». C’est le même acte ! Il n’y a pas deux désirs sexuels – il n’y en a qu’un !… Dieu ! Où suis-je ? Dans quel péché ! Dans le Grave ? Faut-il me confesser ! Les anciens…les parents… la congrégation !… Non… Non… Plutôt mourir…

Une solution ! L’Endurcissement…

Dieu ! Je n’y parviens pas !…

Les méandres. La confusion et le silence.

« Je suis coupable… je suis coupable » Encore cette vieille culpabilité.

 

___________

 

Enfin… un peu d’anatomie ! Pour la Science ! Le progrès humain !

– Si c’est pour ça… alors…je puis bien me faire entomologiste…

Traaact !

Etudiant ! – Présent !

Proclamateur ! – Présent !

Frères et Sœurs ! – Présent !

Brebis ! – Bîîîî !

Chèvres ! – (Bêêê)

Qui sont les Brebis ? – Ce sont les gentils…

Qui sont les Chèvres ? _ Ce sont les méchants…

Reprenons :

Pionniers auxiliaires ! – Présents !

Pionniers permanents ! – Présents !

Serviteurs ministériels ! – Présents !

Salutations fraternelles et Félicitations.

Où sont les anciens ?

– Ici !…

Qui sont les anciens ?

– C’est vous !…

 

Au dessus du bétail ahuri des humains*…

L’Esclave Fidèle et Avisé : pas encore tout à fait au Ciel

Au Ciel : les anges, les chérubins, les séraphins, les oints-oints !

Les 144000 et Jésus Christ !

Jésus Christ ! Jéhovah !

– JEHOVAH !

Jéhovah… qui…depuis des millénaires ! est l’illustre ennemi du côté obscur :

SATAN !

Mais c’est une Mythologie !

La Bible… un univers ! Chaque lettre, une étoile ! O Cosmologie !

Plus que ça ! – Un cœur…

– Une tombe…*

* répliques d'une pièce de théâtre dans laquelle j'ai joué "Colloque de bébés" où j'avais le rôle d'Ost.

 

 Tais-toi, mais tais-toi ! C’est la honte, le reproche ici : Jéhovah qui dit que le feu est ignoble, que ma colère est affreusement sotte. – Assez !…Des erreurs qu’on me souffle, magies, parfums faux, cantiques puériles. – Et dire que je détiens la vérité, que je vois la justice : j’ai un jugement sain et arrêté, je suis prêt pour la perfection…Orgueil – la peau de ma tête se dessèche. Pitié ! Seigneur, j’ai peur. J’ai soif ! Ah l’enfance ! L’herbe, la pluie…*

* passage d'Une Saison en Enfer de Rimbaud

Arthur, mon frère !…

 

Où en étais-je ?

 

____________

 

Les recherches folles ! Les scénarios de l’autodestruction et de la Destruction

Je trouvai dans des livres de quoi nourrir ma fatalité. Ma peur et ma culpabilité - le trouble. Est-ce que je corresponds à ce qu'ils décrivent? Oui, peut-être que je me suis engagé dans le péché et mon coeur s'est inventé divers prétextes pour me justifier. Est-ce que je ne compte pas sur la bonté de Dieu en me disant que "Dieu est très miséricordieux ; il me pardonnera à cause de ma faiblesse charnelle » et qu'ainsi je persévère dans la mauvaise voie? Ne suis-je pas comme le méchant qui dit en son coeur« Dieu a oublié. Il a caché sa face. Assurément, il ne verra jamais » – Psaume 10 : 115. N'est-il pas possible que je me sois laissé croire que je me repens parce que ma position est indéfendable, sans que mon coeur soit pour autant touché? Peut-être que mon coeur à tramé des choses mauvaises et forgé des raisonnements faux et méchants par des mobiles mauvais que j'ai suscité. Si tu ne le crois pas, lis donc Psaumes 140 :1,2 ; Proverbes 6 :18 ; Zacharie 7 :10 ; Matthieu 5 :28 ; Marc 2 :6-8). Ne suis-je pas cet homme qui persiste dans le mal et l'obstination de mon coeur endurci, alors devenu comme la graisse, insensible, de sorte que je tomberai dans le malheur? Lis Deutéronome 29 :19-20 ; Proverbes 28 : 14 ; Hébreux 3 :15 ; Psaumes 119 : 69 :70. et Compare avec I Timothée 4 : 1-2. 

 Un jour, je pris note à l’encre rouge un long passage de la Tour de Garde, le coeur saisit de crainte de faire partie de ceux qui regardent le jour de Jéhovah comme lointain, autrement dit de le retarder et de penser qu'on peut se relâcher en attendant et de suivre ses inclinations charnelles... - ô saints avertissements; poison à tourments :

 Et toujours les « Je vous dis que quiconque continue à regarder une femme au point de la désirer… », « Faites donc mourir les membres de votre corps qui sont sur la terre pour ce qui est de la fornication, , de l’impureté, du désir mauvais (sic)… », « Ne vous laissez pas égarer, ni fornicateurs, ni idolâtres… », « Or, les œuvres de la chair sont manifestes… », « Ne vous laissez pas égarer : on ne se moque pas de Dieu. En effet, quoi que l’homme sème, c’est aussi ce qu’il moissonnera ; car celui qui sème en vue de sa chair moissonnera de sa chair la corruption… »

Matthieu 5 :27 ! Colossiens 3 :5 ! I Corinthiens 6 :9 ! Galates 5 :19-20 ! 6 :7 !

Et les autres choses…

Terrible le « On se moque pas de Dieu »… Terrible !

Bref… tout cela est du CACA. De la scatologie. C’est faire bouffer sa merde sur une petite cuillère – pour après se barbouiller soi-même avec ! – Double expérience de la merde ! A en vomir ! A en mourir…

Vite ! Au hasard, un verset ! Je ferme la Bible – je l’ouvre ! Psaumes…: tac, miracle!

– « Jéhovah est proche du déprimé »… Sauvé ! Ah ! Et Romains ! Il y’a de l’humanité là-dedans… Je ne suis pas perdu… Merci Jéhovah pour ta bonté…

Oh ! J’ai péché ! Vite, une prière… Sur le lit à genoux ! « O… Jéhovah, mon père… j’ai péché… Je suis indigne de toi… O Jéhovah, pardonne mes faiblesse, pardonne ce que j’ai fait… Donne-moi la force de lutter contre le mal, donne-moi une part de ton Esprit Saint. O Jéhovah… O Jéhovah… … … Mon Père Jéhovah, je te prie d’agréer cette requête, non par mes mérites, mais par les seuls mérites de ton fils Jésus Christ. Amen… »

 

Vite ! Le Baptême !

Sauvé cette fois !

Ca recommence…

Maintenant l’exclusion…

Précipitation de la crise : mon frère part.

Précipitation de la crise…

Vê !…Vê J’é kêr mêchê… Tê vê ?… Vê mê kêr… El bêt ê gêche… Gêche… Gêche…

Mêt tê mên êcê… Hê Hê… Tê Vê, êl bêt ê gêche !…

EH ! VE… TECHE ! RESTE ECE ! VE ! NE PER PE ! NE PER PE !

CRE PE !… CRE PE !…

VE TECHE DE TE MEN

ME ME..BRE VE…REL ! TE VE ? VE ! EL EST E GECHE

CRE…PE… ! CRE…PE… !

PER…PE… ! PER…PE*

 * Lire comme un parler de Chèvre. La traduction est: "Vois! Vois! J'ai le coeur méchant. Tu vois? Vois mon coeur. Il bat à gauche... gauche... gauche... Eh! Vois... Touche! Reste ici! Vois! Ne pars pas! Ne pars pas! Crie pas! Crie pas! Vois, touche de ta main. Mon mem...bre vi...ril! Tu vois? Il est à gauche! Crie pas! Crie pas! Pars pas! Pars pas!"

Pourtant il y’eut le Soleil !

Qui suis-je…

 

 

 

 

DELIRES

 

I

VIERGE FOU

 

 

DELIRES

 

II

ALCHIMIE…

 

 

 

 

L’IMPOSSIBLE

 

 

Je fus cela. Ou celui-là.

J’ai à Dieu demandé la paix plus de mille fois dans ma vie, et j’ai bien vu que cela n’était pas possible. Voyant que cela n’était pas possible, j’ai prié l’impossible.

 

[Deux lettres à E*]

 

Je dépéris.

Je m’aigri, je maigri…

Il n’était plus question de faux sentiments, fausses prières – ça faisait trop longtemps que je ne priais plus – refroidi et endurci. L’heure avait presque sonné.

Je me souviens de mon angoisse quand, pâle, j’allais aux réunions – et, blafard, en ressortissais – souvent avec l’envie de pleurer. Je me hâtais vers ma chambre, où je m’enfermais et n’en sortais que pour manger, et le soir, je pleurais dans mon lit.

L’étouffement d’une tendre mère consternée, impuissante. Propos acerbes – rebutement.

L’impuissance-pudeur de mon frère.

Ma fuite.

Vous voyez, tout n’est pas si simple.

Abandon – la réclusion.

En moi la blessure béante-fermée, la brûlure intense, le furoncle dans la chair ; dans les tripes, la voix du dédain, de la révolte. – la juste colère ! –

A la salle*, tout seul dans mon coin, rougissant, pâlissant, hâve, en sueur – prêt à faire exploser la machine intérieure devant tous, prêt à émouvoir, indigner, scandaliser, arrachant mon cœur palpitant de sang et le brandir entre mes mains et le jeter à cette foule inerme – en appeler à Jéhovah lui-même et tenter Satan, esprit qui fondrait à la vue de mon cœur, avaler la connerie du monde (ce prêtre-criquet qui dit immoral un baigneur* avec son sexe !…) – j’avais envie de branler le micro… J’étais maître en affabulation.. Et en ironie et autre :

 

Je suis vivant

J’ai vécut

J’ai 22 ans

Et pourtant

J’ai dû vivre pour tout bien

2 heures 22 minutes

Je n’est pas vu les secondes passées

Dieu les a comptées

 

Mon orgueil traille mes faiblesses

Satan tue-moi

Ou c’est Dieu qui me tuera

La honte…

Jéhovah, ce n’est une voix hautaine

Qui sourd en moi

Ecrase mes sentiments, écrase mes faiblesses

Et fais-moi fumier inodore*

 

Je pensais déjà à mon Requiem. J’étais mûr pour la mort…

 

 

L’ECLAIR

 

 Un soir… j’ ai assis la beauté sur mes genoux. – Et je l’ai trouvée divine et belle. – Et je l’ai vénérée.

Je me souviens, c’était Baudelaire, bouleversant de douleur, de beauté jamais savourée, et ses fleurs maladives, comme de moi, je les humais à même les pages toutes à son âme – parfum capiteux, magique qui était la convulsion, le Sacré et le Sacrilège de sa poésie. Et quand je parle de pages, je parle de chair et de son odeur, de l’essence de la chair, essence charnelle et spirituelle, je parle de pages que je palpais – je dis qu’il y’avait là toute l’âme de Baudelaire, et c’est parce que ça sentait le Péché que je me suis tout de suite identifié à lui.

Mais cela n’a pas suffit.

Ce n’était pas le Diable ! mais quand même… on ne peut pas sortir indemne et je dirais presque « impuni » d’une telle lecture dont je me nourrissais en silence – et si Arcane 17 en avait appelé déjà à la révolution dans ma tête, Les Fleurs du Mal  accusaient plus haut et ouvraient l’abîme duquel il ne restait plus qu’à sortir.

Plus que !…

O Satan, prends pitié de ma longue misère !*

*Leitmotiv des Litanies de Satan de Baudelaire.

 

J’entrepris pour mon salut un long travail poétique. Souffle devait être ma Grand-Œuvre. Je me découvris moi-même. J’avais la certitude d’être poète. Je commençai par un langage neuf et profond comme l’abysse :

 

Su j’uvu…

Su j’uvu SU

Su j’uvu…

Su j’uvu VU

Su j’uvu…

Su j’uvu PU

Mus j’u pu SU j’u pu VU j’u pu PU

Ut ju sus dus lu ru du mu SULUTUDE […]

 

Je voulais être :

 

Une uzu qu cunnu pu

Lu Biu u lu Mul.

 

Je pleurais, puis je jetai un cri :

 

Je veux gerber mon cœur !…

 

Je composai mon premier sonnet, chef-d’œuvre d’outrance, qui confrontai les deux Entités :

 

Au dehors : juges, Absurde, filtres : ABSTINENCE…

[…]

Au dedans : Psyché honteux, poupée frêle, RAGE…

[…]

 

Et je finissais par nous comparer aux invisibles engoulevents, « hirondelles captives des ombres »…

Après, j’allai trouver mon cœur chez les insectes et les mollusques. Je m’affublai en tout : colimaçons, arions, iules, lithobie, lombric !…

Je déclarai : Je suis un ver de terre amoureux des Nuées !

Oui, je faisais de merveilleux cours de physiologie.

Les fourmis et le phasme – surtout le phasme ! - en étaient l’apothéose.

Alors seulement je sortis de terre et expirai un grand souffle. Je fus à même de voir la terre et le ciel, spectacle immense en allégorie, paysage d’horreurs et de beautés – l’existence des oiseaux emportait tout jugement, et j’entrevis grâce à eux le monde tel qu’il était vraiment.

Je saluai la naissance du printemps. J’étais son nouveau né,

 

Près à tout avaler tant la faim du nouveau

Creusait de volupté l’estomac du regard

 

Les oiseaux étaient mes amis.

Mais à nouveau, brûlant contraire, je vis le spectacle de l’infamie. Dieu est un artiste : tous ces oiseaux morts pour engraisser la terre et y faire éclore, pour la Nouvelle Humanité, ses merveilleuses fleurs du paradis !

Je m’évadai dans la nature en pleurant et je lui parlai. Recueillement, états d’âme, tristesse et sérénité.

Désarroi. Le Fleuve me recrache à terre. Je me retrouve transi devant le feu. Puis s’éveillent en moi des images poétiques, des impressions d’automne, des amertumes passagères… Un chant aux poètes, et je me retrouve encore comme pris dans la glace.

Je me révoltai soudain contre un trop sage silence. Je peignai une fresque allégorique qui allait s’enfonçant dans des sables mouvants, rien que par le pouvoir des couleurs. Je mettais en scène, dans un décor antique, le Viol : [L’histoire est simple :la cruelle Melpomène sur son nuage peint une scène terrestre qui doit se dérouler sous ses yeux. Sa mère, épouse de Zeus lui rend visite] Au milieu d’un désert, des corbeaux perchés oipiaient une nymphe se baignant les cheveux en feu, les fesses en larmes, le con dépourvu de moirpion.

Le mystère restait entier.

Du sein du sang vaginal, envole-toi colombe !

C’est ça, tuons le mystère… De toute façon, personne en a voulu.

Mon œuvre avançait, s’enfonçait elle aussi dans des vertiges.

Je célébrai la Femme comme la seule vérité.

Dieu sait qu’elle était sexuelle.

Troisième printemps ! Je trouvais que Dieu avait une chair.

J’ironisai. Je trouvai dans l’enfance des origines à mes fantasmes : Les Yeux.

J’appelai à moi une chatte, et à la fin de toute cette concupiscente tendresse se mêlait le remord.

J’invoquai L’Esprit masturbateur. Je tuai le Tabou.

J’étais cru au vouloir et à remord.

Je ne pouvais que crier à la fin :

 

Les transes nocturnes m’ont enfin assommé Tant mieux !

Je suis sauf

Seulement sauf

       - Sale comme un divin porc !…

Avec l’espoir d’un orgasme amoureux

LA-BAS

Où le foutre peut couler toute sa folie d’aimer

D’une concupiscence Immaculée.

 

De là, je tombai dans l’enfance. A une bref évocation de bonheur, je fis suivre le Cauchemar des sept ans : c’était une peinture insoutenable :

 

Dans mon lit, Oneiros, dieu caricatural,

S’éveilla en grognant plein de vues titanesques,

Me fit voir en couleur, rêve cauchemardesque,

Une sorte… un lieu comme…un désert carcéral !

[…]

 

C’était de la folie, je n’en doute pas, cher sang…

Pouvais-je aller plus loin ?

De ce temps-là, ce fut ma dernière aventure.

[Plus tard, je la complèterai]

Suit Les Poupées ; suit une longue lettre à Dieu dont chaque vers se répétait vertigineusement comme un écho dans l’Infini-cosmos ; suit La déchirure des vers eux-mêmes ; suit les effusions, les cris, les confessions désespérées ; suit le Nirvana !

Là… c’est, après la suprême ironie ( « Les mouches soient bénies en ce monde affolé ») lasuprême expression : une longue prose se désagrège petit à petit dans l’espace, au fil du temps des mots suspendaient dans le vide, des pages blanches apparaissaient, puis ce sont des mots, encore des mots, de plus en plus rares, qui se répètent à la fin …

J’arrivai au Mystère.

 

*

Voilà.

Après ça, ma Grand-Œuvre ne peut être que diminuée…

Tenez ! je vous détache ces quelques feuillets de mon carnet de damné.

Mon pauvre, tu rimbalise tout. Mais parle, Stéphane !

Oui…Mais c’est je crois Arthur qui parle par ma bouche, ou plutôt moi qui parle par la sienne – car, en vérité, je ne puis m’exprimer.

Apostasie : Ne pas avoir de pensée propre. C’est très-certain, c’est oracle ce que je dis.

Mais c’est pas une raison pour prendre la voix du génie.

  - Soyons avares comme la mer. 

 

 

 NUIT DE L’ENFER

 

 

La dernière assemblée*…

J’ai envie de les taire tous. La connerie n’est plus supportable.

Il faudrait que ces milliers et milliers de bétail abêté m’entendent moi ! que je leur parle viscéralement, qui à faire éclater les cervelles, et la mienne, en premier. Pour cela, foncer à travers la foule, monter là-haut, au pu-pitre, me lever comme un seul homme !*

Fantasmagories

La pompe. Je suis assis. La tête me tourne…J’ai envie de pleurer…je pleure…

Une femme – je devrais dire une sœur – viens vers moi :

«  – Qu’est-ce que tu as… Tu ne veux pas me parler ?… Dès fois ça fait du bien de se décharger, tu sais…

– Je n’arrive pas à parler…je n’peux parler…

– Pourquoi… J’suis là pour t’écouter… je veux t’aider…

– On ne peux pas m’aider.

– Jéhovah ne t’abandonne pas… Il sait ce qu’on a en nous… Moi aussi, j’ai fait de la dépression…Je peux te comprendre…

– Non ! Non ! Personne peut me comprendre ! Personne !

– Ne soit pas agressif, Stéphane…

– Tu crois pas qu’tu m’agresses là, hein !…

– J’veux t’aider…

– J’ai besoin d’l’aide de personne !… Personne peut m’aider ! ! J’suis seul ! Personne peut me comprendre ! !

– Si, Jéhovah… Lui seul…

– Non ! ! Non ! ! Partez ! ! ! Foutez-moi la paix ! ! !… J’en ai marre ! ! ! J’vais tout foutre en l’air ! ! ! J’peux plus, j’peux plus ! ! ! !… »

 

Tout devient flou autour de moi. Je cours, bête folle dans la foule, ne cherchant qu’à sortir respirer tel l’animal pris dans un bocal d’éther.

Et dehors, dans un fossé, je pleurais, soliloquant confusément et frappant la terre.

Rentré chez moi, une fois dans ma chambre, je me fus à pleurer, et toute la nuit… je pleurais !

J’en pleurerais, tiens…

Oh ! J’ai si mal que j’ai mal…

Comment décrire mon enfer !

Comment en sortir, surtout…

Je vais me tuer… C’est décidé…

C’est bien faible…c’est bien faible…

J’écrivis une lettre d’adieu :

 

[Lettre d’adieu*]

 

 Assez !…

Ai-je dit que je pleurais ? – il me semble ne pas le dire assez…

Oh ! Vite ! Mon requiem !…

Un lent et solennel va et vient de violons, un doux basson souffle son intime et timide mélodie ; les violons décrivent une ascension, les bassons une avancée : on monte des marches ! Vers où ? Quel supplice ? quel consolation ? Les violes brandissent et branlent, les trombes* et les tambours retentissent quatre fois, et des voix mâles, puis des voix de femmes s’élèvent… Attendez ! Je l’entends ! Oh Chœur douloureux ! Requiem aeternam dona eis, Domine : et lux perpetua lucrat eis. Te decet hymnus, Deus, in Sion, et tibi reddetur Votem in Jérusalem : exaudi oratinem meam, ad te omnis caro veniet. Requiem aeternam dona eis, Domine, et lux perpetua luceat eis. – Les ténèbres et la lumière !

 

Kyrie eleison…

Christe eleison…

Kyrie eleison !…

 

Dies irae ! Dies illa !

Solvet saeclum in favila :

Teste David cum Sibylla.

Quantus tremor est futurus,

Quando judex est venturus,

Cuncta stricte discussurus !

O jour de colère…

 

Tuba mirum spargens sonum…

Quid sum miser tunc dicturus ?

Quem patronum rogaturus,

Cum vix justus sit securus ?

 

Rex !…

Rex !…

Rex !..

Rex tremendea majestatis

Qui salvandos salvas gratis,

Salva me, fons pietatis.

 

Oh… des papillons s’envolent ! ça s’élève, ça s’élève… léger, léger… Que c’est doux… que c’est triste…

Recordare, Jesus pie…

La douleur me ronge comme un coupable…

Allez fougueux galop ! Mords !…

… Voca me cum benedictis…

 

Le froid et le chaud tous ensemble !

et hop ! 8 8 16 : les larmes me montent aux yeux comme le crescendo des voix. Oh ! Jour plein de larmes… O lacrimosa, lacrimosa… Mozart ! Puisque la mort est le véritable but de notre vie…

Rex gloria…

Tenez l’Hostias, le Sanctus, le benedictus, l’Agnus dei !…

L’agnus dei ! Je n’ai jamais entendu plus grande douleur, de lancination dans les violons, de déchirure dans les voix… et c’est elle qui fait se pointer le couteau noir sur mon cœur…

Ecoutez…écoutez…

Agnus dei, qui tollis peccata mundi : dona eis requiem

Agnus dei, qui tollis peccata mundi : dona eis requiem sempiternam –

Oh ! On m’a tout pris…Ma liberté… ma pureté…mon innocence !… On m’a tout pris…

Mon sang en a été corrompu – mon âme violée…

Combien faut-il de courage pour te soulever contre la culpabilité sans se sentir Coupable !

Tais-toi et tues-toi…

Je n’y arrive pas… Le couteau a du mal a rentrer…qu’y puis-je ! Il est là… Il reste suspendu sur ma volonté…

Alors, si tu peux pas te tuer, alors c’est du cinéma, mon pauvre ! Regarde, comme tu t’apitoies sur ton sort. C’est la dixième fois que tu te soûles avec ton requiem, comme pour te forcer à pleurer, comme pour prouver que tu souffres, et dix fois tu as dit : Au dernier cri je me tue, et je n’ai jamais sentis la moindre blessure rentrer, le dernier quia pu es a retenti, et je n’ai pas vu une seule goutte de sang couler…

J’on son fron, son fron… J’on non son pon quon fonr. J’on onvon don monronr, on…on… mon yon son on plonr, j’on non von plon. J’on pronfor lon monrt on Honr-monguondon. Onh ! jon son lon gonffre…C’on on gonffre on non plon fon-nonr. Ponrton l’onfonon, ponrton lon Vonrtonge, ponrton lon dongonron ! Dion ponrton… On lon ponr don donçonvonr, d’ontre jonjon ponr lon ontres… J’on ponr… son ponr… son ponr don monronr… monmon… Onl fon nonr, mon onronye mon fon monl. J’on rongonrd lon plonfon son vonr qu’on mon donlonr… Ponrkon ! Ponrkon !

– Lon non non ton ti fi con con ! Son bon ton lon fon ké i pu i !… Ju nu su plu… ju nu su plu…

– Fonx !

Fonx !

Fonx !

Dion sait que je voulais vivre…

 

 

 

 MATIN

 

Royaume de Chambau* :

 

[Lettre-carte postale de moi pour la congrégation datée du 1er mars 95]

 

[Lettre d’un Frère* datée du 3 mars 95]

 

[Lettre de moi au Frère non daté et non envoyée]

 

[Lettre de ma mère]

 

[Lettre de ma mère datée du 3 mars 95]

 

[Lettre de mon petit frère]

 

[Lettre de ma petite sœur]

 

[Lettre d’un Ancien datée du 15 mars 95]

 

[Lettre de ma mère]*

 

 FIN DE LA PREMIERE PARTIE

 

 

 Parodie ou pastiche, ou les deux? Qu'importe! Le témoignage est là, sincère, authentique.

Ici je vais placer divers textes indiqués entre crochets qui intégrés feraient perdre de la tension qui le parcoure.

 

Voici la première lettre de la section "L'Impossible", courrier datant de 1994, non envoyée à sa destinatrice Odile (qui changera son nom: Elodie) et qui contient ce qui se profilait depuis longtemps. Je me rendais à l'évidence, à la vérité en moi; je l'admettais, mais n'étais pas prêt à la partager, malgré les apparences. Odile m'aida à accoucher de moi-même:

 

 

 

« Elodie,

 

Tu es la seule à me connaître : mes idées, mes sentiments, ma personnalité ; bien que tu aies encore à découvrir. Tu affirmes même me connaître mieux que moi-même. Tu peux me juger, toi seule. Je viens de pleurer, c’est pour ça que je t’écris. J’ai pleuré parce que sais que je suis livré à moi-même et sans aucun secours de nulle part. Je sais même plus où battre des ailes, et si ça continue, je serais condamné d’une manière ou d’une autre : soit j’abandonne mon vœu, soit j’abandonne ma vie. Parce que sans cesse je me replie sur moi-même, convaincu de mes idées, fragile, et à* ma recherche, je me heurte à l’extérieur, et surtout à ma famille. Ma mère, ta mère, mon frère*** et bien d’autres s’inquiètent pour moi, sans savoir ce que j’ai. Ils comprennent pas ma « métamorphose ». Je suis un enfant et faut que j’devienne adulte. Mais même si je deviens adulte, je serais en fait un adulte enfant. Construire ma vie à la hauteur de mes rêves d’enfant, voilà ce que je désire, c’est tout ! La vie que me propose le Christianisme s’oppose à ma personnalité. Trop longtemps je me suis culpabilisé avec des tas de trucs, sans savoir si parce que j’étais réellement coupable ou bien hypersusceptible. Je ne peux même pas prétendre aimer Jéhovah, ce Dieu que morbidement je crains. Le pire, ça été mon baptême. Parce que d’abord j’étais encore un enfant, et surtout, je me suis voué par peur d’être détruit à Harmaguédon, alors que dans ma peau, je me sentais impur, puisqu’ayant des pensées charnelles. Ma conscience, était-elle troublée légitimement ? »

* [maladresse: "à" = "dans"; dans ma recherche]

 

Et voici la deuxième (même sort):

 

 

« Elodie,

 

 

 

Mon encre se perd, mon âme aussi, comme les pensées qui y bouillent et pourtant si fugaces, si troubles et troublantes. Je cherche sans trouver ni comprendre – et jusqu’à quand ? Je sais ce que j’ai à dire, mais les mots ne viennent pas. Je veux mettre du miel dans mes phrases par peur d’être trop brutal, alors je flotte sans avancer, je perds mon temps à écrire ; dès fois je me dis tout simplement : pourquoi ? Est-ce une guérison ou une blessure ? L’humanité ne s’acquiert-elle qu’au prix de douleurs ? de la honte ? Moi j’ai lié mon cœur au tien, j’en ai révélé sans doute trop, juste assez en tout cas pour me couvrir de honte. Je me blâme ; blâme-moi ! Mes lettres, toutes tes lettres, que sont-elles devenues en toi ? Tu m’en parles même pas, comme si elles n’avaient jamais existé, comme si tu ne les avais jamais reçu (mise à part la première). Lorsque ta mère est revenue d’Espagne, elle m’a dit. « Elle était toute enthousiaste après la lecture » et quelque chose de très touchant comme : « Ah ! ça, c’est quelqu’un ! » – Et quel soulagement ce fut tandis que je m’inquiétais que certaines choses te choquent !… Mais parfois, j’ai du mal à le croire quand je considère à quel point – pardonne-moi si je me trompe, si j’hallucine – il me semble que nos âmes s’éloignent plus qu’elles ne se rapprochent. Est-ce le fossé inévitable qui doit se créer entre l’irréel (domaine du rêve, de l’écriture) et le réel (rencontres concrètes –visuelles, orales), à moins que ce ne soit entre deux réalités ou deux irréalités différentes, antipathiques ? Je vais même jusqu’à imaginer que je te fais un peu peur, que je te trouble, semblant éviter mon regard. Tu te montres dès fois un peu froide, passivement indifférente, inaccessible, du moins, c’est le sentiment que j’ai. Excuse-moi, c’est moi qui ne suis pas normal, je me fais des idées. Après tout, tu as le droit d’avoir tes humeurs (surtout en ce moment). Il faut dire, ma mère a insinué, sans le dévoiler, des propos assez négatifs me concernant de la part de ta mère (genre : « Tu sais pas ce que D*** pense de toi ! »). Ça fait toujours plaisir à entendre ! Heureusement… je passe. J’ai pas envie de m’prendre la tête. C’est à ma mère que j’en veux de dire des choses désobligeantes. Peut-être n’est-elle pas la seule à penser que je suis orgueilleux. Je commence à y croire. Même de ma méchanceté – Bêêê ! … Certains pensent qu’aussi, si je ne suis pas bien, c’est parce que je t’aime. Ça aussi je commence à y croire. Pardonne-moi si jamais c’est vrai que je t’aime parce que ce serait vraiment pas faire exprès. Comment puis-je te dire que je ne t’aime pas d’ailleurs ?

Stéphane»

 

La partie Délires était constituée de deux piècettes théâtrales - la première, L'Imbécile (mon Vierge fou) est un monologue d'un amoureux fou; la seconde intitulée Ikou (mon Alchimie) est un dialogue avec mon esprit, mon Inconscient, tout marqué par ma découverte de Freud.

 

 

 

L’Imbécile

 

 (monologue)

 

 

 

(11H 45 du soir. «  Roméo » tourne en caleçon dans sa chambre, tout excité par une joie intérieure. Dans la pénombre, il saute droit sur son lit, allongé sur le dos , le regard illuminé vers le plafond. Il est minuit moins le quart):

 

Mais oui ! Mais oui ! Bien sûr ! Il me fallait vraiment être né taupe, une taupe myope et têtue, une taupe obtuse et obnubilé pour ne pas voir, pour ne pas comprendre. Quoi ? V’là donc ! Mais ce qui m’est à la seconde le plus lucide, le plus clair, le plus, le plus… le plus net, le plus évident du monde !

 

Elle m’a toujours fait des clins d’œil, – ah ! avec un regard ! – et puis là, cette révélation, pareille, a fait tilt, comme le clignement magique. C’est pas beau ? C’est pas beau ça ? – Si ! si ! si ! C’est merveilleux ! Tu t’rends compte ? A moi, à moi seul ! Pas à… ni à…, – non ! – qu’à moi, à MOI tout seul, elle donne du clin ! Oui du clin…

 

Le dernier comme ça date de bien lointain passé : un an presque… Que c’est long quand on est terré dans sa taupinée, à pleurer, pleurer longuement, aussi longtemps qu’elle était partie…

 

Mais fini ! fini… ça dû être une épreuve. – C’en était une, oui ! Et j’ai vaincu ! ! C’est fini, bel et bien fini ! – La preuve est qu’elle est revenue. Et moi, sans avoir la berlue, je sais pourquoi, oui ! Il n’y a point de lubie dans ma tête ! Point de déraison ! Tout est en ordre, au contraire ! Certes, il n’y a ni docteur, ni médecin d’nerfs, ni psy ici, là, pour dire que, oui, j’ai raison, mais j’ai Dieu ! Et pis lui il sait mieux qu’les psy, non ? Et pis, et pis mon cœur se tromperait-il à ce point ? Non. Impossible. La preuve – Hé ! Hé ! c’est que j’ai des preuves – Hé ! Hé ! C’en sont, sûr qu’c’en sont . Si c’en s’ront pas, j’me tuera de toute façon…

 

Mais pas d’chance ! Il n’y aura pas de mort cette nuit ! J’laissera trace que d’la sueur d’excitement, au plus : des pleurs de surexcitement sur mon lit ; et après, je dormira de bon repos, le sourire aux lèvres – comme un enfant devenu homme !…

 

J’suis pas un imbécile si j’dis qu’elle… qu’elle… que pour sûr elle m’aime ! Elle m’aime… Oui… Hé ! Cé qu’j’ose pas admettre l’évidence, mais mon aveu tient route comme sur roulettes, et par chance, comme 1 et 1 font 2 ! Et qui aurait pu le deviner, le pressentir, le croire ? Toujours, l’expliquer est un pitre amusoire !

 

Si la première fois elle est partie pour plus d’un mois, c’était pas plus qu’pour me préparer au pis. Et le pis, le second voyage, n’eut pas davantage meilleure raison qu’un prétendu amour au portrait idéal : rien qu’une escapade pour me faire languir ; rien qu’une bravade pour me faire languir de jalousie ! L’espace rompu et le temps de séparation auraient été maîtres de mes lettres, m’amenant à m’assurer de ma spéciale dilection… ou à la limite, me réduire quelque mauvais trait de caractère. Et ce courrier tardif qui m’est parvenu qu’au bout de ma patience, était qu’une innocente espièglerie de sa part. Et ces insinuations suggestives – surtout l’allusion à ces « 95 » brusquement réduits à « 90 » - quel autre appât pût m’aguicher plus, hein ?… Euh… Je … je repense à nos aveugles tendresses… Pourquoi je les ressasse ? Comme un délicieux remords… en moi… dans mon cœur… secrètement secrété… dans mes os et ma chair… dans ma conscience… Heu… – Ah ! je t’aime, Soleil divin… Oui, je l’aime ! et ELLE, elle m’aime aussi ! Donc nous nous aimons !

 

Je… comment dire… Je peux même dire que depuis longtemps. Assez longtemps, pour être juste. Peut-être plus de deux ans. Car enfin, pourquoi lors de mon amourette avec l’autre pipelette m’aurait-elle, en toute intimité, et s’efforçant d’être objectivement convaincue, pourquoi m’aurait-elle prêchée mauvaise fortune ? Non, ce fut… ça aurait été elle l’infortunée, alors !…

 

Non, il n’y a vraiment pas de doute dans ce qu’elle est amoureuse de moi. Elle le sait, et c’est sûrement pas la seule à le savoir. Il se peut que ses siens sont complices à ce jeu de l’amour… et même le rival. Sa sœur, là-bas, pût de toute aisance avoir des tuyaux par-ci par-là pour arranger la chose. Qui sait ? Et même, quoi qu’il en fut, quoi qu’il en soit de la manière de la chose, elle m’aime. M’aime pour sûr ! Car il suffit de penser à maintes petites choses significatives, passées ou présentes, visant à accentuer ma jalousie, à saisir mes sentiments au vif, de penser à des trucs, –des tas ! – et certains gestes qu’on vit qu’une seule fois, de penser à son noble retour, et aussi à certaines retenues non naturelles – comme sa gêne à me soutenir si volontairement j’attarde mes yeux sur sa personne – et puis de penser à des sensations uniques, et puis surtout à son clin d’œil, qui a je ne sais quoi de plus amoureux que de provocant, oui, son clin d’œil ! C’est pas une preuve, ça ? – Si ! si !si ! Je le sais ! Elle le sait aussi ! Tout le monde le sait !!…

 

Mais…

 

Mais… Mais… enfin… Quoique, oui, mon cœur, lui, dit oui… qui peut dire que mon cœur, que notre cœur a raison de sa passion ? Personne… Personne… Y’a que la personne de mon âme qui aura raison de mon être. Oh ! ma tête ! Je la sens refuser mon amour… et mes yeux nébuleux ne peuvent que s’astreindre à cette foi. Comment écraser le doute ? Comment trouver ma route ?

 

Bien entendu, si… – Non, je suis tout seul ici ! – Mais… si jamais… – Mais non j’te dis ! – Si, tu te trompes ! Pac’que p’têt que Dieu m’entend, justement : il connaît même nos gémissements inexprimés ; et p’têt que m’ayant entendu dans mon for il se dit : « Quel inconstant ! » et pis, bien pis : « Quel imbécile ! » qu’il se dit… A moins… à moins, à moins qu’il a pour moi d’la pitié. Alors ça change tout. – Non, pas du tout ! Pac’que si.. si i’ dit comme ça : « Pauvre humain… » d’un air… d’un air condescendant, qu’il fait comme ça : « Pauvre humain… » en me désignant avec sa toute puissante main, que qu’ça change ?… Mon Die, par pitié ou par j’sais pasquoi, donne cette unique faveur : convainc-moi d’mon erreur… Fasse qu’elle aime moi… Fasse qu’elle m… Fasse que… Elle… Non… Je savais. C’est non. C’est non ! M’aime pas. C’était pas possible. Pac’que c’est trop beau… Pac’que, pac’que c’est non ! Là ! C’est NON ! Faut pu qu’j’y pense…J’vais m’faire mal…J’vais m’tuer sinon… Faut pu… Faut pas qu’a sache ça… Faut pas, non !

 

Que j’ai été bête ! Oh oui ! Hihihi ! Moi ? J’ai pensé ça ? Hahaha ! Rigolo… Hohoho ! Comment j’ai pu délirer autant ? J’ai pas bu… Et même à presque minuit, je tiens encore la marée !… Non, j’ai pas pensé ces imbécillités !? Alors qu’elle… qu’elle a toujours été rien que mon amie, ma chère, ma plus intime, c’est tout ! Quoi d’anormal dans ce qu’elle éprouve de bons et profonds sentiments envers moi ? Y’a à prêter aucun autre mobile dans cette pure alliance. Aucun ! Elle m’aime comme son frère et moi comme ma sœur. Et… je veux dire : quelle coïncidence ! ces divins dons ont trouvé défaut dans notre existence ! Il faut pas chercher d’ambiguïté là où y’en a visiblement pas. J’affirme et confirme l’exactitude de mes dires : elle m’aime pas. Je le répète : elle m’aime pas ! Et quand bien même que mon discours garde une note ambiguë, j’avance de suite : pas d’amour avec un grand A. Non, pas d’Amour. Dans sa bouche, y’aurai bien ces mots familiers qu’on use par amitié : « Je l’aime bien » – Pour sûr ! – mais : « Je l’aime ! Je l’Aime ! ça non ! Sûr que non !

 

Miséreux ! Oh Dieu ! que je suis odieux ! Je la trahis ! Son cœur reviens tout juste de l’enfer, et moi j’voudrais qu’ce soit l’paradis ? Je l’aimerais réjouie quand son âme est amère ?… Mon Dieu ! Sa confiance j’ai trahi ! Quand même je soumis à ses yeux ces vains mots : « J’ai ouï-dire de moulins à paroles qu’à vue d’nez il est flagrant que je t’aime. » Et que je… puérilement j’usai… lâchement j’employais à contredit la lipote du cid : « Si… tralala…je te dirais : « Je ne te hais point » Faux ! Faux ! Faux ! Ma langue est empoisonnée ; il en sort du venin, des choses sottes ! Je suis sans pardon… Quel sot ! quel sot ! quel sot ! Comme si… Comme si d’avec son amant ce fut une rencontre caduque. De goût, de goût, de goût fatal ! Alors, alors qu’ils allaient de pair ensemble ! Et qu’il, qu’il, qu’il était toute sagesse ! Bientôt qu’ils allaient se marier ensemble ! Ensemble ! L’un pour l’autre ! Pour, pour… Je suis faiblesse ! Sa mère, sa mère, quand je plongeais dans un bigoudi… un engourdi malaise de morosité et d’agressivité… dû, dû à l’exaspération, dû à ce manque en moi, à son silence, à ma chair éprouvée, à mon vide insupportable, tout mortifié par ma honte ! Sa mère qui pressentit ma flamme m’en détourna en disant : « J’espère que tu n’y comptes pas ! » Moi je fais : « Non ! Non ! » sans voir ma conviction toute nue. Et j’me suis pas tu ; j’me suis défendu – sans doute à ma perte ! J’aurai dû… Maintenant, quoi qu’il advienne… Non ! il surviendra niet ! Niet ! Niet !… – Et pourtant ses clins…ses clins d’œil ! Et puis son… Et puis ça et ça… – Nan ! – Mais… Mais… Et ça ? – Nan ! Nan ! – Mais si pourtant… – Nan ! Nan ! Nan ! – Nan ? Même pas… –Nan ! Nan ! Nan ! Nan ! Rien ! Y’a plein plein de contre, d’impossibilités, plein, plein partout, tu comprends ? Partout ! Partout ! Impossible !!– Oui…Oui oui… j’ai compris. C’est fini… fini…fini… C’est ma dernière nuit… enfant mal-aimé…

 

Pouah ! C’est fou ! Même qu’elle m’aime, elle m’aime pas ! C’est fou à se dire ça, hein ? Et d’abord, la femme…la femme… O Femmes ! N’êtes-vous pas intuitives par excellence ? N’a t-elle… N’auriez-vous pas senti la… le…l’eau claire et le – j’sais pas ! – le parfum… le parfum su les pétales d’une rose ? Comme, comme, comme ils palpitent ? Alors pourquoi m’aurait-elle laissé, m’aurait-elle abandonné entre les serres de mon cœur ? Pourquoi me livrerait-elle aux serpents sceptiques s’y déchirant ? Oui, vous avez raison : peut-être qu’elle a rien vu. Oui p’têt qu’elle a rien vu ! Mais p’têt qu’elle a rien vu pac’qu’aussi y’a rien à voir ? Pac’qu’il y’a pas de tels sentiments sensibles qui se voient distinctement ? Ou pac’qu’en vérité j’l’aime pas ! Ou pac’ que ça s’voit pas ! Ou… ou qu’elle veut rien voir ! Qu’elle rien voit, qu’elle est aveugle comme une taupe !! Ou que Dieu lui interdit de voir !! J’sais pu !Elle est si distante parfois…

 

Hé ! De toute façon, t’as vu comment t’es un incapable ; un incapable et nul en toutes façons, hé !… Hé puis t’as vu comment t’es foutu, mal foutu ? Hé ! Hé ! T’es foutu ! Foutu ! Foutu !! Hé ! Hé ! Hé !…

 

Fou-schnock-louf-braque-dingue !

 

Marteau-piqué-sonné-toc-toc-toqué !

 

Barjo-jobard-hotu-fondu-sonné !

 

Dingo-timbré-follet-jobri-zinzin !

 

Louftingue-sinoque-maboul-loufoque !

 

Folasse-fêlé-bredin-chabraque !

 

Frapadingue-brindezingue azimuté !

 

Branquignol siphoné !

 

Psychopathe ailé !

 

Schizophrène halluciné !

 

Hystérique déséquilibré !

 

Métabolite désoxygènée ! hé ! hé ! hé !

 

Paranoïaque ! hé ! Malade mental ! hé ! hé ! Mental malade ! hé ! Maniaque ! hé ! Macaque ! Hé ! hé ! Et ma claque !!

 

T’es taré ! T’es narvalo Complètement fou ! Mal fou ! Fout mal ! Maflou !/ Famoul ! Moufla ! Flamou ! Floufou ! héhéhéhéhé !

 

Un fou… un fou foutu… faut qu’ça s’fout’ en l’air !! faut qu’ça s’tue !!!…

 

  • Oui, j’vais m’tuer, attends ! Oui, il, le faut ! Faut qu’j’me tue ! Me tue ! Elle vient pas ! Pas, pas venue ! A-a-a-attend ! J’me tue…

  • Oui ! Et puis t’avais oublié, Hé ! Hé !… Tu vas mourir vierge ! Vierge ! Rends-toi compte ! T’es un surhomme ! un surhomme ! Une sorte de saint ! un original ! un virginal en puissance ! Héhéhéhéhé ! Héhéhéhéhé ! Héhéhéhéhé !

  • Oui… Oui…vous… un… un… oui…

 

(Minuit pile : « Toc ! Toc ! Toc ! » La porte s’ouvre. « Juliette » dit :)

 

  • Coucou ! c’est moi, Juliette ! Ouhou ! Fais pas l’mort. Décidément, on a beaucoup de choses en commun… Ohé ! Où es-tu Roméo ?

 

(Elle entre dans la chambre et pousse un cri de frayeur. Roméo agonisant dit :)

 

  • Je… Je… t’…

  • Im…im… bé… bé... IMBECILE!!!

 

(Juliette expire étouffé par les sanglots sur le lit où est cloué « Roméo »)

 

 

 

 

 

 

 

IKOU

 

(dialogue)

 

 

 

  • Hey !

  • Hein ? Quelqu’un m’appelle?

  • N’aie pas peur, Stéphane, c’est moi.

  • Hein ? Qui m’a appelé Stéphane ? Et c’est qui toi ?

  • Toi…

  • Non, pas moi ! Toi ! Qui tu es ! Ton nom, j’veux savoir ton nom !

  • Disons… Inconscient. C’est le nom…

  • Ha ! Ha ! En voilà un drôle de nom ! Inconscient… Qu’est-ce que tu fais de beau dans la vie ? Pompier ? Mécanicien ? Euh… Président ? Papiste ? Architecte ? Ou peut-être chômeur ?…

  • Oui, chômeur…

  • Ha ! Ha ! comme moi, bien évidemment ! J’parierai ma tête que t’as aussi mon âge, 21 ans, que t’es né le 23 février 1973 et à Angers ! Non, mais tu t’fous pas d’moi par hasard ? En plus, toi t’es un esprit ! T’es pas d’ce monde ! tu peux pas avoir quelque lien avec cette terre ! Tu peux pas être chômeur ! Ha ! Ha ! un esprit qui chôme, maintenant ! On au ra tout vu sur terre !

  • Si tu me crois un esprit, pourquoi n’as-tu pas éteint la lumière ?

  • Oh ! Tu parais plutôt gentil rigolo d’esprit, mais t’es pas bête quand même… Toujours qu’j’sais toujours pas à qui j’parle puisque j’vois rien à part mes mains, mes pieds, mon… Bref, seul toi a ni queue ni tête ! Et t’es encore heureux que j’crois aux anges !

  • La lumière ! Moi j’vais au lit, si ça ne te dérange.

  • Quoi ? Quoi ? Tu ne vas quand même pas coucher avec moi en plus !? Dis-moi, t’es pas pédé ?! Que tu t’fasse du bien avec un pair, d’accord, mais pas avec moi ! Ca, non ! Jamais !… Hey ! Reste ici ! Moi, je coupe le feu, je vais dans mon lit, mais toi, tu restes là ! Et ne bouge pas ! Faut qu’on aie une discussion franche tout les deux. Tu veux, dis ?…………………………………… Voilà, j’suis à toi. Alors, mis à part que j’sais ton bizarre nom, j’sais pas grand chose d’autre. Et j’me demande si j’suis pas en train de rêver !… Dis-moi, pourquoi, comme ça, t’as débarqué d’là haut ? Tu t’ennuyais, hein ? Mais enfin, tu va répondre, oui ou non, dis ?

  • Stéphane…

  • Quoi Inconscient ?

  • Tu sais que moi j’te cconnais pas ? Et pourtant, il paraît qu’on vit ensemble.

  • Sans blague ? Mais moi j’t’ai vu jamais, jamais ! Nan, c’est une blague !

  • Nan, y’a pas d’erreur.

  • Si ! Ca peut pas être vrai ! Mais… je dois t’avouer… Enfin j’arrive pas à m’expliquer pourquoi ta voix m’est si… si familière ! Et surtout pourquoi j’suis si « cool » avec toi, alors qu’j’devrais mourir de peur !…

  • Stéphane…

  • Oui, Inconscient.

  • J’vais te dire, Stéphane.

  • Oui, Inconscient.

  • Je… je suis ton propre mystère ; je suis ton autre… ton autre cœur, ton autre pensée ; je suis dans ta tête, une partie de toi, ton autre toi ; je suis ton inconscient. Tandis que tu es mon moi autre, mon… mon inconscient.

  • Mon conscient… ……………………………………………………………Dis… dis-moi que j’suis fou !

  • Pas du tout.

  • Tu veux dire que t’es mon pas conscient ? Tu… Tu veux dire qu’t’es l’truc qu’a parlé Freud ? Tu veux dire que t’es le moi que j’connais pas ? Tu veux dire qu’t’es… que en en fait tu t’appelles…

  • Oui. Mais ce Fred, qui c’est ?

  • Non ! Non ! Hors de question que j’t’appelles Stéphane ! Hors de toute question ! Tu comprends au moins ? C’est une atteinte à moi-même ! Tu comprends ça ? Non ! Non ! Faut pas !… Tiens, d’accord ! J’dira pu « Inconscient » ! Mais qu’est-ce que tu penses de « Inc » ? Non. « Ic » ! Non ! « Icou » ! Ouais ! Moi ça m’plaît bien ! Ca fait plus famille ! « Icou » avec un « K » si ça t’dis ! « Ikou » ! Ca t’plaît, ça ?…………………………………………………………………………………….

 

Ikou…

 

  • Quoi ?

  • Dis-moi, dis-moi tout sur…

  • Sur ?

  • Sur toi ou moi ou n’importe ! Tout !

  • Pose. Vas-y Fanou…

  • Euh… Euh… Ikou… Est-ce que c’est vrai qu’on est… qu’on existe que comme une toute petite partie de nous même ? Qu’on est qu’une poussière de conscience dans une mer d’inconscience ? Que je suis mon petit moi dans mon grand moi ?

  • Oui, c’est vrai. Moi, je suis ton grand moi autour de mon petit toi. Mais le petit est aussi grand que le grand.

  • Ah ! bon ?

  • Oui. C’est qu’on est deux choses qui vivent indépendamment, qui travaillent séparément, mais on est sans l’savoir, très liés dans l’fond.

  • On est indépendant totalement ?

  • Totalement.

  • Depuis toujours ?

  • Toujours.

 

……………………………………………………………………………………

 

  • Ikou…

  • Oui ?

  • Dis-moi, Ikou… Est-ce que pour toi aussi elle est dure la vie ?

  • Oui, Fanou, parce que j’voudrais t’aider, mais que j’peux pas.

  • Pourquoi tu peux pas ?

  • J’te l’ai dit déjà ! Et puis…Moi je suis double.

  • Double ?

  • Oui, et c’est pour pas dire triple… Y’a des démons qui s’arrachent à cops perdus pour leurs propres intérêts… sensés être les tiens.

  • Les miens ?

  • Oui, les tiens. Et toi t’essaie de mettre d’accord tout l’monde, et parmi maints harcèlements, tu penches vers un côté ou de l’autre, mais tu te trompes souvent parce que dans toutes tes décisions, y’a une bonne part d’inconscient rentré en ligne de compte.

  • Tu veux dire qu’on est pas forcément coupable de nos actes et pensées, en fin de compte ?

  • Ca veux dire que t’as un pouvoir limité sur toi.

  • Tant en actes qu’en pensées ?

  • Oui, et le pire, c’est que tu t’crois l’unique coupable, alors que… que c’est surtout l’autre toi : moi…

  • Tu sais j’t’en veux pas… Tu sais, on est tous imparfaits.

  • C’est comme ça , mais c’est laid

  • Ca peut peut-être s’arranger maintenant qu’on s’connaît…

  • Non, car bientôt je m’en vais à jamais.

  • Mais pourquoi ? Pourquoi dis-moi ? Ne veux-tu pas collaborer avec moi.

  • Par bonté, il nous a été accordé ce temps béni.

  • Par qui ?

  • Dieu.

  • Dieu ?

  • Dieu.

  • Mon Dieu !

  • Ne jure pas !

  • Et pourquoi pas ? Alors que j’me cherche et qu’je m’trouve pas ! Alors que j’ai compris c’que c’est la vie : deux hommes, deux cœurs, deux esprits qui marchent à côté sans se voir ni se connaître, pour un voyage sans destination autre que la mort, ce plus grand cadeau qu’à chaque corps c’est deux âmes qui s’en vont. Et toi, tu me dis « Ne jure pas » ?

  • Mais Dieu nous aime, Dieu veut notre protection !

  • En m’enlevant une partie de moi !

  • J’peux rien contre ton émoi.

  • Ha ! Ha ! Dieu ! L’infini ! L’inconscient ! Trois suprêmes vertiges !

  • Arrête ! arrête ! arrête ! Tu m’affliges…

  • Pardon, Ikou…

  • Non, c’est d’ma faute… Mais j’t’en supplie : saisis la troisième corde que Dieu tend entre nous deux ! Saisi-là Fanou !…

  • Quoi ? Quoi ?

  • La foi ! La foi !

  • Pourquoi, dis?

  • La loi de l’équilibre ! la balance psychique !

  • Vraiment miraculeux !

  • Seulement mieux… Mieux que rien.

  • Merci Dieu Saint, merci mon Ikou.

  • Que Jéhovah saigne tes reins et te pardonne comme… comme… Adieu p’tit Fanou…

  • Non ! Non ! Te plaît, reste ici … T ‘en supplie Ikou… Ikou ! T’es où T’es où Ikou ?… Ikou ! Ikou !! Fanou !!!

  • Là… Touche… touche cette eau sur ton front… Sent… cette larme sur ta joue…

  • Toi… Toi… Toi aussi tu pleures…

 

 

La section "Matin" était uniquement constituée de lettres. Comme si le récit viscéral ne pouvait que déboucher sur un espace d'air frais constitué uniquement de documents, du pur document fait de lettres de multiples horizons; des voix familières, des voix amies ou "ennemies", de sa propre voix.

 Ici, je ne les donnerai pas dans l'ordre donné dans Har-Maguédon, mais en indiquerai leur place. J'utilise là mon oeuvre La Vie):

En tête de "Matin" se trouve un courrier datant du 1er mars, écrit au dos d'une carte postale et destiné à ma Congrégation, - autre étape décisive:

« À lire s'il vous plait avec un ton charmant de naïveté - Merci.

« Au petits enfants de la salle (surtout),

« Ce tendre et innocent chaton a un patte de lait et avec quel velours tout plein mignon il fait trempette là dedans. C'est nouveau pour lui. C'est même magique (est-ce qu'il y a de mot plus fort, davantage meilleur pour un enfant ou un petit chaton?)!

« Dans le paradis, chaque instant sera aussi magique et tout aussi extraordinaire, et les nouveautés par milliards comme les étoiles donneront à tous des sensations, des émotions si diverses que je crois que pareille à la joie, la tristesse aura son digne honneur – car saine et humaine – d'être avec nous à bon escient ( demandez à ce grand enfant de Claude B, ce que veut dire ce mot que sans doute vous connaissez pas – c'est normal -)

« J'embrasse humblement tous les enfants. Fanou.

PS: Regardez bien les gouttes de lait qui s'envolent – peut-être que sa papatte n'était pas si de velours que ça!"

 Ce courrier comporte en marge deux notes, l'une en tête, l'autre en pied, destinées aux anciens de la congrégation. La première, on la sait, la deuxième, est celle-ci: « Le(s) mobile(s) de ce petit bonjour et clin d'oeil sont tous aussi purs que sincères. »

Cette carte, soit elle ne fut jamais envoyée, soit elle le fut, et les anciens l'auront remise aux mains de ses parents après l'avoir lu, mais pas du haut du pupitre, comme je  le rêvais...  -  rêvons pas trop!

 Quoi qu'il en soit, elle figure dans mes papiers classés, et on trouve logiquement à la suite un courrier destiné à Claude B (troisième lettre citée):

« Domaine Chambo... Mars 95.

«  Cher Claude,

« Ça y est, je prends ma plume pour satisfaire à ta demande, mais aussi, je l'avoue, pour mon bien, pour trouver – j'espère – une fois pour toutes la séreinité de vivre. Juste cela pour te faire comprendre que cette lettre n'est pas un délire; mais peut-être la plus sérieuse, « en définitive » (comme tu dis), et ce n'est pas un hasard ou une « fantaisie » de ma part su justement le fameux Requiem de Mozart résonne dans mon coeur à l'instant où j'ai décidé de t'écrire, en terme plus fort: communiquer – comme je le fais si bien par lettre. Ce n'est pas un hasard si je m'adresse à TOI particulièrement et en toute intimité, non! C'est une Volonté – même pas – une Nécessité!... – car je me passerais bien de dévoiler, à ma honte (ou mon bonheur) – mes sentiments sur cette terre...

« Bref, avant de me plonger, je dois justifier plus explicitement le choix de mon Miroir (ou l'un), qui est, considérons-le comme ça, ton coeu. Pourquoi? Tout simplement parce que tu es le plus sage, le plus instruit (connaissances littérature, philo...) et enfin... bah le plus apte à aider, soulager, « juger », étant toi-même le plus équilibré sur tous points de vues dans la congrégation.

« (Break! Bonbon menthe: ça rafraîchit!...)

« Il est certain qu'un jeune homme de 22 ans s'adresser à un Bonhomme de la cinquantaine peut paraître bien ridicule, mais je crois que je ne suis pas un enfant, et quel que soit notre âge, nous avons tous une expérience bien personnelle à partager, à transmettre en toute humilité, n'étant tous que de faible chair et de fragiles os. (Ne sommes-nous pas tous d'ailleurs des enfants, des « gosses », sinon des bambins pour Dieu?...).

« Si tu veux connaître en succinct ma personnalité, mon expérience dans la vie, c'est de bon gré que je te ferai ce « curriculum vitae » (CV):

« Date de naissance: 23 février 1973: ça, on s'en fout!

« Réminiscences de celle-ci: Je sais qu'un spermatozoïde hasardeux a fécondé une ovule (6 mois avant). Ce spermatozoïde acharné parmi tant d'autres, était-il le bon? Faut croire que Dieu l'a voulu ainsi!... Etait-il, ce spermatozoïde, déjà un peu moi-même? Dommage qu'il n'avait pas de cerveau!... lui. Mais avait-il toutefois un coeur? Savait-il ce qu'il faisait? Savait-il qu'il serait, une fois fécondé, une fois né (sorti), une fois éduqué, une fois... ou ce qu'il ferait?... Négligeons pas l'ovule: [Elle], il y était pour quelque chose, certes, inerte et passif... cependant il était bien là, cet hôte[sse] de la vie, pour m'accueillir, etc.

« Conclusion: je n'en veux du tout, ni à Dieu, ni à mes parents de cette naissance masculine indésirée (merci mon Dieu! Je préfère m'appeler Stéphane que Rozaine! Et de surcroît prématurée – bon à être couvé d'une bulle pendant 10 jours!... (ouf! J'ai gardé mon sang! Il était jaune, bref! Dégueu.)

« OK! Ce ne sont ni des souvenirs, ni des expériences.

« Tout simplement des faits!... Et « en définitive » (j'me fous d'ta gueule, hein?), ce n'est pas moi qui ait souffert, c'est ma mère...

Enfance »...

Là se termine cette lettre inachevée et donc forcément non envoyée.

Et forcément, sa mère devait bien lui écrire (quatrième lettre citée):

 

« À mon fils Stéphane.

« Tout en écoutant un CD de Rondo Vénéziano, je prends un peu de temps pour prendre ma plume, « non exactement mon stylo ». Ne fais pas attention à mes fautes car il y en aura plein. J'ai aussi beaucoup de mal à exprimer mes pensées sur papier, je n'ai pas ta plume de ce côté-ci.

Malgré que je sais que tu es bien parmi tes nouvelles connaissances, il y a un vide à la maison, tu me manques. Mamy a téléphoné ce midi pour prendre de tes nouvelles. Elle attend de tes nouvelles, je lui ai dit que tu étais bien occupé et que la nourriture était bonne.

«  Je pense que tu as reçu un courrier de Claude B car il m'a téléphoné Mardi ou Mercredi pour demander ton adresse. Je n'ai pas été à la salle dimanche et Eric n'a pas donné tes coordonnées pour que l'on puisse t'écrire. Je vais téléphoner ce soir à Jean-Claude C pour les lui donner afin qu'il puisse faire le nécessaire.

« Mariam et Josué étaient contents de recevoir ta carte, mais ils ont bien eu du mal à comprendre ce que tu leur écris. Je vais faire passer l'autre carte.

« Je vais te mettre un chèque sans ordre, tu pourras t'arranger avec quelqu'un pour que tu aies le montant en liquide dans une lettre

«Je vais me remettre dans la couture, je fais le costume de Josué, mais n'ai guère avancé ces jours-ci, il a fallu faire la déclaration d'impôt, faire quelques courriers, les comptes et les courses que j'ai fait avec papa hier.

« Ce mois-ci, la salle est le samedi soir.

« Jane va venir dimanche à la maison.

« Je termine en t'embrassant de tout mon coeur.

« Ta maman qui t'aime.

Maman. »

 

Tu comprendras le « nécessaire » plus loin. Ici se place en toute logique la lettre tant attendue de Claude B datée du 3 mars en provenance d'A (deuxième lettre citée):

 

« Hello Stéphane,

 

Quelques mots comme promis pour te donner des nouvelles fraîches d'A, ville qui depuis ton départ s'aperçoit que tu y tenais une place. Bref! Nous espérons tous que ton séjour momentané te ragaillardisse afin de repartir d'un bon pied. D'ailleurs, à ce propos, j'ai trouvé le cadre de ce lieu bien accueillant ainsi que la courtoisie de ceux qui nous ont reçu. J'ai vu ta maman qui m'a dit d'après la conversation téléphonique avec toi que tout va pour le mieux et j'en suis bien aise. Tu vois quelque fois il faut savoir prendre des décisions qui sur le coup peuvent paraître difficiles, mais qui avec le recul montre que cela était bénéfique. Le tout n'est-il pas que tu reviennes avec un moral d'acier. Nous t'attendons tous, mais s'il faut que ce séjour soit plus long que prévu, ne te tracasse pas outre mesure, le personnel spécialisé ainsi que le médecin savent prendre les décisions nécessaires pour la santé des gens qui leur sont confiés. Donc, patience, confiance et tout se règlera du meilleur possible.

« Voilà, je te dirai donc à très bientôt.

« Pensées sincères

Claude B. »

 

Ah! Qu'il fut dur pour moi de constater que le frère « cool » n'était d'aucun secours, d'aucun soutien pour le choix difficile qui se présentait à moi comme un dilemme, un âne de Buridan. D'autant plus dur que j'étais valorisé, qu'on s'intéressait à moi. Avais-je le droit de décevoir petite et grande Famille? Je vécus cela comme une pression supplémentaire.

Ma mère m'écrivit une autre lettre (neuvième et dernière citée) toute imprégnée de son quotidien bien rempli. Tu vas voir comme elle a le sens du détail:

 

« Cher Stéphane,

«Je te mets 150 F, plus une carte téléphonique. Il va falloir que tu économises, car je ne pourrais pas faire plus pour le moment.

« Il fait froid depuis deux jours, nous sommes en E.S.P.

Comme tu sais, Mariam a un plâtre pour 3 semaines. Hier après-midi, j'ai perdu 4 h à la clinique St Léonard. Une demie heure pour les radios, 1 h pour attendre le médecin – 2 h pour attendre qu'on vienne faire le plâtre à Mariam et une demie heure pour le faire. J'étais pas de bonne humeur tu peux t'en douter. Je pensais à ma couture et qu'il me reste à peine 5 semaines pour finir le costume et faire ma tenue pour le mariage d'Eric et Jane.

« J'aimerais bien avoir un petit courrier de toi. Maintenant je téléphonerais Jeudi midi, tiens nous au courant si tu sors samedi, pour que je puisse prendre des dispositions pour ton retour.

« Je t'embrasse très fort. Maman qui t'aime. »

À cette lettre signée était joint aussi le numéro de Claude B.

« Plus besoin maman, je sais qu'il ne peut rien pour moi, pas plus que toi ».

Voilà en gros ce que j'aurais eu envie de répondre.

À ce moment là, ma mère, si elle était sincère dans son amour et son désir de m'aider, c'était d'elle aussi que je ressentais la plus forte pression. Le poids affectif qui comprenait de manière implicite le chantage m'était pénible. Là, je me voyais par une prise de position personnelle devenir fils indigne, déchoir à ses yeux, démériter de son amour. Aussi les lettres du reste de la famille étaient plus légères et me touchèrent plus. Mais n'allais-je pas être rejeté par le reste de sa famille si...

Je goûtais quand même fort bien la fraîcheur des lettres que je reçus. Celle de mon petit frère (sixième lettre citée)

 

« Bonjour,

« C'est Josué. J'espère que tu amuses bien dans l'hôpital et que tu te fais de nombreux amis.

« J'ai eu de très bonnes notes à l'école. J'ai fait une rédaction sur la chouette effraie. J'ai eu 11 sur 20. l'autre fois on m'a dit que tu avais fait une boum. On vois que tu t'ennuies pas au moins.

« Ma deuxième lettre sera de t'envoyer le poème que j'ai fait.

« Vendredi 3 mars on a regardé 20 000 lieues sous les mers, c'était génial.

« Je te remercie de ta carte postale.

« Nous attendons ton retour avec plaisir. Salut, à bientôt.

« Josué. »

 

Son père ensuite m'écrivit une lettre datée du 3 mars (celle-ci, je l'ai omise de façon incompréhensible et je répare):

 

« Cher Stéphane,

« Je suis heureux de pouvoir te joindre quelques mots en cet après-midi ensoleillé. Je vois que tu es bien occupé et que tu as fais connaissance de jeunes comme toi. Tu dois prendre des bouffées d'air frais et le cadre est très beau et il y a beaucoup d'occupations, ça c'est important.

«Stéphane, il y a un manque à la maison c'est toi (Ah! la maison, c'est lui!). J'espère que tu te rétabliras au plus vite. Je te fais un gros bisou.

« Papa.

 « PS: la chaîne Hi-Fi est redescendue. »

 

Enfin, voici celle de ma petite soeur (septième lettre citée) que je laisse dans sa spontanéité et sa forme originelle au maximum.

 

« Bonjours,

 

Cet Mariam, tu vas bien. Samedi, quand j'ai joué à la Gamelle et je me suis fait une entorse. Lundi j'ai été faire une radio. Samedi, Laura est [fenu] venu jouer à la barbie et à la bataille navale, au pucence 4 et au jeu de 7 familles. En dictée j'ai eu 2 sur 20. Pas terrible. CM2 dans ma classe fait le péremie de vélé personne l'a eu. On a eu une remplaçante. On n'a fini une expression écrite. Tu t'amuses bien. Tu apprendrent la chanson de goldmane. J'ai donné la carte postale et elle a dit qu'elle était très belle. Laure m'a donné des habilles. Il y a des une chemise avec des fleurs. Je l'aime beaucoup. Je fais bien. Je me bagarre pas avec Josué et il a dit qu'il me donner cinquante centimes tous les jours. Je sais pas si c'est vrai.

Je t'aime beaucoup.

Mariam »

 

La prochaine lettre que je reçus (que je n'ai pas non plus intégré à Har-Maguédon - et ce serait dommage de ne pas le faire) fut une surprise. Elle provenait de l'une de mes cousines du côté de mon père, ayant traversée elle aussi la dépression. Elle est datée du 7 mars:

 

« Stéphane,

« Je prends le crayon pour t'écrire ce qui vient pour t'aider si je le peux à ne pas perdre courage.

« J'ai bien entendu ce midi ton désarroi après le coup de téléphone hier soir.

« Difficile de t'écrire; quels mots pourront te soulager quand on se trouve seul après une déception amoureuse.

« La souffrance intérieure est parfois si violente que l'on ne vit pas mais survit. La souffrance intérieure est si présente qu'il est difficile de mettre des mots dessus alors des maux sont alors présents.

« Lorsqu'on est abandonné par quelqu'un, on ne trouve plus de sens à la vie, on ne sait plus quoi penser ou au contraire on pense trop alors toutes les choses qui nous entourent nous sont indifférentes ou pesantes.

« Laisse-toi aller, ne refoule pas tes émotions, ils sont là pour t'écouter, t'aider le milieu hospitalier. Tes amis, s'ils partent avant toi, ne baisse pas les bras, d'autres arriveront. D'une certaine façon, je te comprends, lorsqu'on arrive à communiquer avec quelqu'un après des semaines d'isolement, de communications difficiles, c'est un grand secours, un apaisement à la souffrance qui nous habite.

« C'est difficile de t'écrire, car je cherche les mots. Stéphane, je sais que c'est difficile, mais tiens bon. Ta blessure, tes blessures se cicatriseront tout doucement, il faut du temps, de la patience. La vie est parfois, je dirais pour moi-même un combat chaque jour, chaque heure. Lorsque j'étais à Vontes, je n'arrivais pas à décompresser, à me laisser aller, et encore aujourd'hui. J'ai le sentiment d'être jugée constamment par le monde qui m'entoure. Je t'écris ceci avec les larmes aux yeux car c'est dur. Stéphane, ne perds pas courage, je sais c'est facile de le dire mais de le faire, c'est autre chose, car les angoisses sont là.

« C'est difficile d'écrire ce que je ressens car les mots ne sont pas là.

« La coupure avec la famille permet de vivre avec moins de honte la dépression qui nous touche...

« Si pour toi l'écriture est un moyen de dire ce que tu ressens, pour moi c'est difficile. Continue d'écrire, de t'évader.

« La vie est difficile quand il faut assumer tout seul ses problèmes, ses difficultés, ses sentiments.

«  Si ton amie t'a blessé, peut-être qu'elle ne trouvait pas les mots justes à te dire. Quand on est sensible intérieurement, tous les mots qui nous sont dits sont importants et prennent une proportion énorme.

« Je me rends compte que l'entourage n' a pas toujours les mots justes pour nous aider, nous encourager. Moi-même, je ne sais pas si j'ai les mots justes pour t'encourager.

« Stéphane, bientôt, tu verras le fond du tunnel.

« À bientôt,

« Gros bisous.

 F»

 

Cette cousine avec qui j'avais des affinités cette année-là  avait partagée un jour sa vision très intéressante d'un pastel de son cousin (moi même) intitulé Vision. Elle même lui avait montré un dessinde son cru au crayon papier montrant des yeux entourés de couteaux, dessin psychanalytique, névrotique en puissance.

Aussi, je fus ému en la lisant. Si ma cousine ne cernait qu'une partie du problème, omettant le dilemme intérieure par rapport à ma prison religieuse, sectaire, dévorante, elle savait parler à un déprimé.

Ce qui n'était pas le cas du frère C qui a été évoqué par ma mère, émissaire de Dieu qui devait faire le nécessaire pour remettre Stéphane dans le droit chemin.  Je reçus en effet au royaume de Chambau une lettre de cet ancien datée du 15 mars:

 

« Cher Stéphane,

« Je profite de la pause du midi pour te faire parvenir ces quelques pensées.

« Nous avons un peu de tes nouvelles de la part de ta famille et nous pensons bien à toi. Nous espérons te compter bientôt parmi nous tous, dans la congrégation. Dès que tu seras revenu chez toi, j passerai te voir, ce qui permettra de discuter ensemble. La semaine dernière, nous étions en semaine spéciale, nous étions nombreux, tant dans l'assistance que dans la participation. C'est réjouissant de voir l'accroissement, ce qui dénote une prise de conscience par certains de l'époque dans laquelle nous vivons et confirme bien sûr, la vérité des prophéties de la Bible n'est-ce pas?

«  Dans l'espoir de te revoir bientôt.

« Reçois, cher Paul, toute mon amitié fraternelle. »

 

La signature de sa femme suivait la sienne. Mais entends-tu le cri intérieur de Stéphane achevant sa lecture?

« Va te faire voir, Frère C! De l'air! De l'air!»

 

Voilà donc cette somme de purs documents sur laquelle s'achevait l'oeuvre - car mes ambitions étaient vraiment littéraires - même si il y avait de la thérapie dans le fait de s'exprimer sur ce que j'avais vécu. Il est à remarquer aussi que, même hanté par Rimbaud dans Har-Maguédon, je le prenais à contre-pied, non par provocation, opposition gratuite, mais parce que c'était vrai. Alors qu'Arthur avait écrit: "Un jour, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. - et je l'ai trouvée amère. - Et je l'ai injuriée", je pouvais écrire en âme et conscience: "Un soir... j'ai assis la beauté sur mes genoux. - Et je l'ai trouvée divine et belle. - Et je l'ai vénérée". Rimbaud dans son brouillon avait été jusqu'à écrire deux fois en conclusion: "l'art est une sottise". Là où à la fin il s'était perdu, je m'étais trouvé, et c'était un début. A 20 ans, je me sentais poète, je m'étais "reconnu poète" comme il avait écrit, et l'aventure continue presque vingt ans plus tard.

A Chambau  je m'étais un jour ouvert à une infirmière. C'était un poids énorme qui avait été lâché par ces quelques mots: Je suis Témoin de Jéhovah. Mais en dehors de cela et de la crise où je dus être maintenu au sol après un coup de téléphone à Odile qui me dit qu'elle ne m'aimait pas et ne voulais plus me voir, qu'on ne se reverrait jamais, l'expérience majeure de ce séjour est celle-ci que je racontai d'abord dans une nouvelle fantastique intitulée Profanation, puis Ciel!  et plus un an plus tard dans une oeuvre surréaliste intitulée Soleil. C'était effectivement surréaliste:

 

C’était maintenant il y’a deux ans. J’étais à cette époque très malade, pour des raisons que j’ai déjà évoqué Ailleurs, et qui nécessita un séjour à Chambau. Les seuls désirs que j’avais alors, c’étaient d’exprimer à l’extérieur par tous les moyens cette liberté brimée en moi, ce qui explique en partie l’acte suivant.

 

Un jour, donc, par un bel après-midi, je demandai la permission de sortir et je partis en direction de Cormery, village pittoresque de l’Indre-et-Loire. Je me souviens des vestiges d’une vieille abbaye, dont le clocher hautement perché attirait la vue et qui dirigeait notre chemin fatalement vers le Cormery moyenâgeux. Après avoir passé sous un sombre porche, une vieille rue montait, montait jusqu’à la campagne qui montait toujours, menant mes pas vers une église de dressant seule à l’écart du village et ressemblant, sur sa butte dénudée, à un atoll détaché de la côte. C’était une église romane, l’église de Truyes. J’y entrai. Quelle bouffée de fraîcheur ! Tout à coup la grande pénombre, la lumière qu’on laisse derrière soi en refermant la grosse porte. Il n’y avait personne. J’étais seul. Le sanctuaire vide ! – Comme il faisait bon d’être dans ce silence où seul mes pas résonnaient dans l’ombre vers les hauteurs insoupçonnées, à travers les âges, communicant avec les voûtes, mettant en branle tout un monde endormi comme on met un doigt sur la sensitive – la spiritualité à l’état pur ! On a envie de toucher la clef de voûte. de crier De profondis.Tandis que j’avançais à pas surnaturels vers quelques cierges au loin allumés dans l’ombre, la vie en mou se concentrait, regardant et regardé de partout. Il me sembla qu’un souffle de Liberté vint vers moi. Et qu’est-ce la liberté sinon un appel d’air, sinon que de se sentir libre ? Oh ! Si vous saviez ! La Sainte-Vierge Marie semblait proclamer « Liberté ! », prête à lâcher sur le carreau le docile enfant Jésus blotti entre ses bras ; le même Jésus métamorphosé en Christ dire « Merde au supplice ! », cherchant par tous les moyens à se défaire de cette maudite croix, les bras ouverts prêts à accueillir ses disciples qui, avec toute la bande de saints planqués dans leur niche, déjà enthousiastes pour une petite escapade, se mettaient d’accord pour le sauver. Les fleurs dans les vases semblaient enclines à retourner aux champs. Et les ustensiles ! L’ostensoir voulait s’envoler loin avec son hélice et parcourir le monde, partir à l’aventure ; l’encensoir se sacrifier à une œuvre, une passion, faire du théâtre ; le ciboire se désaltérer d’eau naturelle, avaler du vin tout son soul, manger comme tout le monde ; les goupillons abandonner le bénitier et prendre le calice* pour jouir ensemble ; le bénitier se vider de ses larmes ; le chandelier avec les cierges enfin pouvoir sortir à l’extérieur et rire librement ! Tout conspirait à prendre l’air ! Même le confessionnal semblait décidé à partir et s’isoler dans la nature pour enfin s’introspecter… Bien sûr ce ne sont là que des extravagances de mon imagination effervescente, mais cette page sortie de ma tête huit mois après ce grand jour, c’est à dire seize mois avant aujourd’hui, le 10 Février 1997, ces images délirantes ne symbolisent-elles pas toutes les libertés, toute la Liberté, tous mes désirs mis en liesse, en pleine révolte alors ? J’ai senti que la « révolution dans les têtes » était sur le point d’éclater, de se faire révolution dans la vie, lorsque seul dans l’église je me mis à déclamer des ex-voto lyriques sous mes yeux, comme les voûtes avaient vibré ! J’avais acquis alors de la sûreté, de la puissance, j’avais touché la clé des champs. Tout à coup, une idée explosa dans mon être, qui allait être l’aboutissement, la matérialisation du désir, c’était la clé des champs elle-même. Oui…Comment vous dire… C’était un délire dalinien dans toute son extravagance surhumaine. De l’église, j’ai transposé, transformé, innové, tout osé ; j’ai créé. J’ai changé de place les crucifix, je les ai retourné, la face vers l’abside, puis je les ai couvert de fleurs ; les statues de saints dans les niches, je les ai mis de dos. Je suis passé à la chapelle latérale. C’est là que toute mon inventivité s’est pleinement épanouie (on m’a toujours dit doué d’imagination…). J’ai trouvé mon bonheur, tout ce qu’il me fallait dans le vestarium en vrac, derrière l’autel : balai, serpillère, éponge, vieux tapis, pots de céramique, fleurs fanées, terre, sable, etc. J’ai pris d’abord un tapis tout poussiéreux, couleur patate ; je suis monté avec une prestesse féline sur le socle de la grande statue de la Sainte-Vierge et en ai recouvert sa tête à moitié, puis j’ai coincé le balai en paille entre ses bras dans lesquels était l’enfant. Tout les sièges, les prie-Dieu, je les ai tourné dans l’autre sens, et j’ai placé dessus divers objets : des pots de terre sur les uns, des seaux sur les autres ; ici une bouteille, là un morceau de bois avec une serpillière sur la tête. Les tronc de charité devaient naturellement trouver leur place, et les ustensiles sacerdotaux trouver leur pâture. L’assistance était au comble, enfin prête. Les ouailles attendaient. La cérémonie pouvait commencer. J’en étais le prêtre fêlé, avec toute sa raison. Avec quel plaisir j’empalais maintenant les cierges, une à une sur les saintes broches métalliques ! Je les allumai toutes, à partir d’une seule en éveil.. A chaque minute une nouvelle flamme perçait l’obscurité, tremblantes d’une présence surnaturelle. A chaque cierge un défi. Enfin, pour achever le tout, j’eus l’ingénue idée d’écrire une sorte d’ex-voto sublimatum que je remettrai entre les mains de Marie. Ce fut fait. J’écrivis : « Jour d’humilité ». Et Dieu semblait avoir accordé sa bénédiction. L’atmosphère s’en trouvait singulièrement animée, tandis que le tableau qui s’exhibait en véritable œuvre d’art devant moi était comme une convulsion figée : « une beauté convulsive-érotique-voilée, explosante- fixe, magique-circonstancielle » !…Et je frémissais d’une joie diabolique, toute enfantine.

 

Il faut dire que les vifs sentiments de révolte que j’avais pour la Religion (et non pour le religieux comme la fin de la phrase va le signifier) s’étaient mêlés de la plus grande religiosité, de la plus grande ferveur, et que ce qui semble sacrilège pour certains était sacrement pour moi. Fier, pur, exalté (en sueur aussi), j’aurais joué de l’orgue, j’aurais sonné les cloches. J’étais ivre-heureux ! J’étais prêt à courir dans tout le village, dans tout Cormery et dire à tout le monde que je croiserais : « Allez voir l’église ! » Je crierais « Merveille ! » et eux crieraient : « Scandale ! » Mais non ! rendez-vous compte : un jeune couple avec leurs enfants est entré dans l’église, et ils n’ont rien vu ! Ils ne se sont pas étonnés. Quand j’attirais l’attention sur le désordre, la femme me répondit : « Il doivent faire le ménage ». J’étais ahuri. En redescendant au village je croisai un jeune et le pressait vivement d’aller voir l’église. Le jour déclinait. J’entrai à la clinique en retard : un infirmier venu me chercher me trouva sur la route. J’étais excité. Je n’avais qu’une envie : de raconter mon aventure à Marie*, et je n’avais qu’une hâte : lire dans le journal du lendemain ce qui pour moi était héroïque, ce qui, j’espérais, allait avoir un grand retentissement, parcourir le monde. Le lendemain je ne vis rien. Pas de « Scandale ! », « Sanctuaire violé », « profanation ! ». Rien. Quand, curieux, j’allai voir l’église : tout était en ordre, intact.

 

Voilà ce qui fut pour moi la plus grande chose que j’ai jamais vécu seul.

Marie: une amie poétesse, fan de Rimbaud, que je rencontrai à Chambau.

Dans la nouvelle intitulée Ciel! je faisais un récit enchassé où un prêtre découvrait une étrange lettre, l'histoire de cette profanation. Avec une belle surprise à la fin sur l'auteur...

Il y a une seconde partie à Har-Maguédon qui ne saurait trop tarder d'arriver, mais avant, je partagerais quelques dessins qui illustrent cette période de crise que j'ai vécu.

 Le premier est une gouache intitulée: Le jardin dit monotone ou L'automne du jardin maudit

Jardin

 

Le second est un dessin au crayon papier réalisé à Chambau et intitulé Vertige de l'abandon.

 

Vertige de l'abandon

 

 

 On y voit une statue sans tête, une grosse boule tombant à son pied droit, comme si la femme était venue soudain la remplacer; enfin elle tient dans sa main sa tête comme une boule de pétanque. Cette tête, ici à peine visible, est à l'envers et ses cheveux tombent en cascade, image inversée du peuplier qui se dresse dans son axe: c'est le vertige de l'abandon d'Odile surtout qui est montré, mon amie devenue mon amoureuse inaccessible, L'insaisissable (pour reprendre le titre d'une  gouache la représentant), et qui était alors Témoin de Jéhovah; mais elle sert de support visuel je crois à représenter mon esprit sens dessus-dessous par le choix urgent que je devais opérer par rapport à la secte.

Un dernier dessin est quasi un autoportrait sous les traits de Serge Gainsbourg: comme l'homme à la tête de chou le disait si bien: no comment! On peut lui associer un poème intitulé L'Esprit masturbateur cité en partie dans Har-Maguédon, et qu'il lui dédia d'ailleurs...

 

Gainsbourg portrait

 

 

Je reviens maintenant à Har-Maguédon qui ne se clôturait pas avec ces mots: "Dion (Dieu) sait que je voulais vivre" (si on enlève la section vide de Matin, vide, royaume de Chambo, où pourtant tout se passe, du moins le déclic déterminant). L'oeuvre a une deuxième partie, totalement différente,  plus réflexive, mélangeant auto-critique et critiques, faisant enfin entrer envolées lyriques et délires humoristiques dans son Adieu chantant. N'oublions pas que je calquais la structure même d'Une Saison en enfer, ce qui allait bien avec l'enfant que je fus, apprenant à dessiner en décalquant... 

La voici:

 

 

 

Har-Maguédon (part II)

 

 

Voilà presque deux semaines que je n’ai pas touché à mon livre – seul mot à peu près juste, entendu dans le sens de livrer – car je n’ai fait que ça jusqu’à présent : Livrer. Livrer pour me délivrer ? – Ma délivrance a déjà eu lieu et peut-être à l’heure où vous découvrez mon manuscrit suis-je déjà mort – ayant choisi de protéger mon intime vie, mais surtout par pudeur devant les miens – ce qui est la plus lâche ou la plus humaine servitude ; cependant peut-être suis-je encore vivant – et ce serait bien plus au Destin qu’à un choix personnel nourri de paradoxes que vous devriez de posséder ce missive à la mer.

 

Mes intérêts sont tellement mis en jeu, que j’ai eu, il y’a quelques jours, idée de préfacer ces pages :

 

« Ce livre n’est ni une supercherie littéraire, ni un traité de médecine. Ce message, s’il en est un, n’aurait pas lieu d’être sans esthétique poétique, non plus cette esthétique sans rien, on l’a bien compris.

 

« J’ai pris le parti que tout témoignage n’est pas excessif. Aussi, le lecteur bien averti aura intérêt à laisser tous les tabous de côté pour faire place à la Vie – qui, si honteuse qu’elle se revêt parfois, n’en est pas moins la Vie. »

 

Depuis quelques jours, je cherche vainement un sens à ce livre qui a échappé à toute sérénité et à toute modération. Il me semble avoir fait orgueilleusement grand cas de mon expérience, de mon petit moi en vaste monde. Livre qui ne sert en rien mes convictions supérieures et ma simplicité se nourrissant tous les jours de petits riens, de « nan » et de « ah ouais » devenu sorte de leitmotiv existentiel de tous les jours, une âme bon-enfant qui fait caca comme les autres et qui ne cherche qu’à jouir de la Vie qu’il lui est donné de vivre.

 

J’aime la littérature au dédain de tout littérateur. Et mes mots ivres de liberté n’ont rien à voir avec eux. J’ai beaucoup cherché la « gloire », ce qui est plutôt une reconnaissance, et, privé d’elle, je n’en continue pas moins à croire au seul noircissement de mes pages et au bleu du ciel.

 

Sans vouloir me comparer à Arthur Rimbaud, qui se voit peut-être proclamé de génie malgré lui, j’ai médité beaucoup sur lui, son œuvre. Il me remet en question, comme il devrait remettre en question tous ceux qui écrivent, quel que soit le degré de génie. Et le fait est que depuis « La Saison en enfer » on ne peut plus écrire comme avant, et c’est encore plus vrai depuis la bombe Artaud. Il faut un vrai motif, une vraie destinée, et une vraie destinée n’appartient pas à la certitude d’écrire, mais au doute. Pour en revenir à Rimbaud, ce génie qui en est venu à douter de lui et même plus, est un exemple pour nous, car – je parle à ceux qui donnent tort à son adieu, ou qui ne le comprennent pas – il nous a laissé, vraiment, avec d’autres comme Lautréamont… l’œuvre la plus achevée. En beauté, en concision, en sens. Je demande ce qu’il aurait bien pu y ajouter.

 

J’en suis à peu près au même point, n’étant pas sûr de l’utilité de mon œuvre, même celle-ci en laquelle je croyais sa raison d’être.

 

Je n’y vois, maintenant, aucune utilité pratique, dans le sens que les gens aimeraient peut-être y voir, naturellement. Je ne suis pas de ceux qui préconiseraient un insecticide.

 

En toute honnêteté, un de ces hommes que je qualifiais rageusement de Torbacs juteux, un de ces hommes de plus ou de moins sur la terre ne peut pas me toucher, sauf de ma famille, et je pense à mes parents qui, par une heureuse simplicité, n’ont jamais été des insectes.

 

Je me dis : pourquoi avoir usé de tant de cris et de larmes, quand tout, au fond, t’a été profitable.

 

Et c’est tristement vrai. Le seul enseignement.

 

Rendre les gens un peu plus voyants, tout en restant humain. Ils accepteraient peut-être mieux leur destin, voilà tout. Je rends grâce, moi, aux rires et aux larmes, au rêve et à la révolte et à la réalité, au passif et à l’actif, au mal et au bien, et pourtant, on a beau se faire parfois « Dieu », la lutte pour le Bien sera toujours la destinée humaine – et je rends grâce à cela.

 

Quand même, toutes ces horreurs…

 

Cependant, les Fleurs du mal servent à quelque chose. Il faut lire Baudelaire. Comment comprendre que des pays en guerre, comme l’Algérie, je crois, soit un de ceux où l’on respire le plus ses fleurs. Je trouve ça beau.

 

Certains ont-ils trouvé mes propos choquants ? Rien ne me paraît plus naturel que l’ombre coexiste avec la lumière depuis qu’il m’a été permis d’être impliqué dans la question du Mal et du Bien.

 

Il faut avoir vécu vingt ans dans l’utopie, y être né, pour faire un tel constat :

 

 

 

« J’ai une moralité plus haute que votre dieu Jéhovah : il condamne le mal, moi, je le comprends. Il n’a en main qu’un bâton de tyrannie auquel, comme Aaron on fait fleurir des gerbes d’amour. Mais un Dieu d’Amour ne peut être à côté un Dieu Vengeur et ne peut – en tout cas – condamner.

 

Aussi, je préfère être damné que damnable, humain que démesuré, peccable qu’impeccable.

 

Et, Hélas ! Votre Jéhovah n’est pas Dieu des Muses. Nulle Beauté en dehors de son pâle paradis, Nulle larme, nulle passion, nul défaut. Qu’est-ce cette vie éternelle d’austérité*

 

(Premier jet avant Har-Maguédon proprement dit)

 

 

 

En vérité, il n’y a pas de Vérité. La seule vérité qui existe c’est le mystère. Il n’y a donc pas de philosophie si ce n’est celle qui sert à penser.

 

Loin de Descartes, mon salut a été : Je suis, donc je pense – Je pense, donc je suis. Car il m’a été donné d’être avant de penser.

 

 

 

 

 

 

 

ADIEU

 

 

 

P de m de c à la c! E de la V !

 

Ah, ça soulage…

 

Le blasphème, c’est la Vertu, le requiem des innocents.

 

 

 

Je prends congé. Un hymne, un chant me vient à la bouche (Laser jet Extra Strong)

 

Mais avant, j’ai des choses encore à dire.

 

 

 

Ce qu’on appelle le Mal n’est pas inné – mais instinctif. C’est à dire qu’il naît devant l’agression, toute agression extérieure, quel qu’elle soit. Le caractère dominant de l’entourage détermine ses instincts dominants. C’est ce système de défense : l’agressivité, que l’on appelle : Mal – dans une société hiérarchisante à l’excès.

 

Le seul progrès possible serait de ne plus considérer un individu qui agit méchamment de Méchant et un individu qui agit gentiment de Gentil. Un conte de fée devrait rester un conte de fée, et non plus un système philosophique simplificatoire du monde.

 

La compréhension est facteur de progrès ; la compassion, le pardon est facteur de progrès ; l’édification est source de progrès.

 

Si un criminel peut de prison en ressortir meilleur, rétabli – car je parle de maladie – voilà le progrès, et quel que soit son crime, la liberté, l’honneur, la vie lui seront rendu.

 

Une condamnation à mort ne révèle ni solution, ni réconfort, ni justice, mais un piteux crime de plus sur la conscience de l’humanité, plus grave que ceux du condamné, étant mû par la plus haute raison prétendument supérieure, divine (et ils inventent un Dieu pour leur bonne conscience) tandis que le crime du condamné est le fruit d’un cœur, ou pire, d’un cerveau malade.

 

Il y’a quelques jours (dans la nuit du 26 au 27 octobre), j’ai eu un cauchemar terrible :

 

La scène avait lieu dehors, dans un lycée inconnu. Du monde inidentifiable parmi lesquels des lycéens se trouvait autour et en face, de près ou de loin, d’un petit échafaud de grandeur humaine. J’ai vu un élève s’y faire allonger par de multiples bras tandis qu’il criait insupportablement, le corps se débattant comme un poisson entre les mains, les yeux révulsés sur la machine… On devait l’immobiliser juste en dessous elle, au niveau de la gorge – la lame était tout près, si près que par manque de force et dérapage elle manqua son but, ne trancha qu’un quart de cou – et il était vivant ! – il cria, il se convulsa tant à cette douleur que les bras qui le tenaient étaient près de lâcher cette horrible vue de sang et d’une bouche qui cherchait de l’air dans l’air.

 

Le rêve s’arrête là.

 

Je vis cette scène – où je ressentis si bien ce que ressentait l’agonisant – (et je ne peux le décrire) – sans savoir pourquoi. Et tous à la fin, paniqués, me donnaient la même impression d’impuissance et de stupeur quant à la raison de ce qu’il se passait. Des larmes venaient aux yeux.

 

J’ignore le sens d’un tel cauchemar – et s’il en est un c’est que la peine de mort est un non-sens. Le caractère inhumain de cette scène – que chacun trouvera exagérée – est identique à ce qui se passe dans le cœur d’un condamné – aussi intériorisé soit sa douleur.

 

J’ai peut-être vécu un cauchemar réel…

 

En tout cas, je m’insurge contre la loi du talion.

 

La Bible – pour en revenir à elle – est, sous milles facettes, un très beau livre – mais elle a horreur de la psychologie et ne s’occupe que de Dieu. Elle ne croit pas assez en l’homme.

 

Attendre des Ecritures « inspirées » est une erreur.

 

Je ne veux pas déprécier ce merveilleux livre. Il fait partie de ma patrie intime. Je ne saurais dire combien de figures me demeurent attachantes : Abraham, Moïse, Samson et Goliath, David, Salomon, Jésus etc…* – d’évènements grandioses dans ma mémoire.

 

Seulement, des contes de fées ne peuvent devenir des bourreaux de conscience.

 

La Bible est parole vivante et parole morte.

 

Elle peut être poison.

 

La Bible est ambiguë :

 

histoire et Histoire*, Lois et principes, Justice et miséricorde, faiblesse et méchanceté – ambiguïté.

 

Elle est à la fois inspirée et non inspirée.

 

La Bible est un livre simple et complexe – et il est d’ailleurs plus complexe que simple.

 

Comment un livre d’une composition échelonnée sur plusieurs siècles peut-il avoir tant d’unité ?

 

Ce que l’on connaît des hébreux se limite à peu près à ce Livre de 66 livres*. Il sont réels et ils ne le semblent pas. Ils font figure de fantôme à travers les siècles.

 

Une Odyssée, c’est une Odyssée ! La plus grande et la plus obscure.

 

A la base, une très haute spiritualité, une mystique profonde (comparable aux indiens ?)

 

Yhavé : le Grand Tout.

 

Les hébreux, Israël : son peuple.

 

Un peuple à part. L’isolement.

 

Le fanatisme est né.

 

Le fanatisme est né de la concentration d’une culture qui s’est voulue pure, unique à l’image de leur Dieu, et à l’exclusion de tout autre.

 

Car,

 

la pluralité des dieux engendre un certain désordre et libéralisme qui ouvre ses portes aux influences étrangères, et le monothéisme, au contraire, dont le peuple hébreu est le jaloux inventeur et possesseur, établit l’Ordre, et il n’y a pas moyen plus sûr, à cette suprématie, qu’un seul mode de pensée, qu’un seul code moral, qu’un seul dieu, et finalement de réduire le monde à une seule notion pure et idéologie, d’être le seul monde possible.

 

Perfection !

 

Voilà pourquoi, il me semble, Israël fut si tiraillé entre la fidélité et l’infidélité (sans cesse tu t’éloigna de Dieu, puis revint à lui) Ce fut la conséquence inévitable d’un système totalitaire, d’un régime de vie impossible.

 

Si la civilisation mésopotamienne, égyptienne, grecque, romaine… furent des civilisations, Israël ressemble étrangement à une secte.

 

Aujourd’hui, il y’a plus de sectes que de civilisations.

 

La religion, n’en parlons pas, elle ne vaut que pour soi-même.

 

Le Sacré est à réinventer.

 

Ne devrait pas être sujet de guerre.

 

Le monde a trop souffert.

 

 

 

Adieu.

 

 

 

Cette année, je vais demander au père noël des nans et des ah ouais par milliers.

 

Et puis un travail.

 

Et puis une femme.

 

Et puis des semelles dans mes souliers, pour que mes pieds marchent longtemps.

 

Mais surtout une paire de seins.

 

Quelque chose qui prenne soin de mon oiseau. Une cage, par exemple.

 

Des yeux, aussi, pour parler à mon cœur.

 

Peu importe la couleur de l’emballage.

 

Un beau petit cul n’est pas de refus.

 

Ah. J’aime les foufounes noires. Surtout les monts de Vénus.

 

Mais peu importe si la femme est belle et charmante.

 

Un peu intelligente.

 

Gentille surtout.

 

Mais jolie tout de même. je ne veux pas demander trop au père noël, mais,

 

pour prendre un cadeau,

 

il faut qu’il ait bon attrait. – Peu importe le papier.

 

 

 

Pendant que les hommes se disputent, moi je fais le beau.

 Mes copains sont les oiseaux.

 

Orédéjàparti

 Delamourmouru

 Iradoùnaqui

 Leparadiperdu.*

 

Il y’a bien longtemps, très très long long temps

 Vivait une petite quéquette.

 Elle était si petite qu’elle ne savait plus où se mettre

 Si ténue, qu’on en tombait des nues.

 Un jour qu’elle se promenait, triste, la tête en bas,

 Elle sentit quelque chose de curieux. Oui très curieux.

 Timide – mais curieux –

 Elle leva quelque peu les yeux. Et là… là…

 Miss Touffette en personne !

 Grand fut son trouble, grand fut son choc et grand tout court.*

 Un haricot vert déambula dans la chambre

 Leva la tête et demanda :

 C’est quand mon tour ?

 Z’haricots tordus

 Pan pan cul cul !*

 

 

 

Je prends congé. Un hymne, un chant me vient à la bouche

 

(Laser jet Extra Strong)

 

Mais avant, j’ai des choses encore à dire.

 

 – Vraoum !… Vraoum !… Tui-tui-tui …

 Vrrrbrrr… Tui-tui-tui-tui…

 Viang !… tui tui… Broom !… Pluit-pluit-pluit.

 Tui-Tui. Ihang… Tui tui tui tui tui I… Tui. ang… Tui Tui !

Brrrzing !… Pi cli-cli-cli-cli

 Vraouring ! Kê kê kê kê kê !…

 Huitz Huitz Huitz*

 Hourra !…

 

 

 Adieu.

 

J’aime la nature.

 

Savez-vous qu’on ne connaît pas assez les oiseaux ?

 Le faucon plane

 patauge dans l’air

 tombe par terre

 Le corbeau, c’est le cri de la terre

 le cri des champs labourés

 le cri des grands espaces

 celui de la plaine

 de la solitude.

 Chaque oiseau font* un chant.

 Le corbeau croasse ou crasse :

 Croa ! croa ! croa !

 Cra ! cra ! cra !

 Le pic vert pouipouite :

 Poui-poui-poui poui-poui-poui poui-poui

 Le rouge gorge titute :

 Ti Ti Ti Ti Ti

 Et moi je fais miaou.

 

 J’ai encore tant à découvrir.

 

 

 

La pinàlapapa

 

La founàlamaman*

 

Cui cui cui rantanplan

 

J’ai des gros mots plein la sacoche

 

Comme des vers blancs

 

Je connais le con le cul le concupiscent

 

Le vin coulant entre nos fesses

 

Il y’a le Jourdain, le ruban rouge de Jéricho

 

Le cunnulingus et la fellation.

 

Le sperme à goûter pendant l’amour

 

Glou-glou je suis le gaulois enfantin

 

Sapristi bout d’joie

 

Rose à chose etc…

 

 

 

Adieu.

 

 

 

__________

 

 

 

Bonjour

 

Comment entonner ce chant sans ridicule, sans boursiflure

 

sans de poésie à la papa pépère

 

sans honte.

 

« honte, honte, honte, – telle est l’histoire de l’homme ! » – ainsi parlait Zarathoustra.

 

Il ne faut plus qu’il en soit ainsi.

 

Aussi, c’est le cœur libéré et joyeux que je chante

 

Mon répertoire est long et varié : je chante aussi bien : « Mourir pour des idées, d’accord, d’accord, mais de mort lente », qu’ « Auprès de ma blonde, que c’est bon , c’est bon »et pourquoi pas « Boire un p’tit coup »

 

C’est agréable !

 

Que la vie est belle ! Belle parce qu’on l’aime et la maudit

 

Belle parce que les contraires donnent valeur à chaque chose et identité.

 

Belle parce que de la contradiction naît la richesse.

 

Belle d’être et de n’être pas

 

Belle de mystère

 

Belle de la différence

 

Oui, belle, même, parce que certains aiment la poésie, et d’autres pas –jusqu’à la mépriser ou l’indifférence.

 

Parce que certains aiment les mathématiques et d’autres pas – jusqu’à les mépriser ou l’indifférence.

 

Belle de raison et de passion

 

Belle de science et de religion

 

Belle d’espoir et de désespoir

 

de désespoir et d’espoir

 

Belle de sexe

 

Belle de femmes : le beau sexe

 

et d’hommes : le bon sexe

 

Belle d’animaux

 

Belle de chats : le divin

 

et de chiens : l’humain

 

Belle de connerie et d’intelligence

 

De profondeur et de superficie.*

 

 

 

Ah ! j’en ai trop dit…

 

Il y’a une certaine vérité, et il y’a un certain mensonge dans ce que je dis.

 

La femme est aussi belle nue que vêtue

 

Il paraît qu’elle est plus excitante à moitié nue : Je partage cet avis.

 

 

 

____________

 

 

 

Ceci n’est pas encore mon chant final.

 

Ah ! J’aurai voulu être compositeur : c’est un opéra de nans et de Ah ouais que je voudrais faire.

 

La musique est le plus grand art – la où commence l’évanescence du langage. La musique est Evanescence. J’aime la musique.

 

Qu’est-ce un mot à côté d’une note. Je veux vénérer l’oiseau. L’oiseau est mon dieu, et la source et tout ce qui dans la nature fait de la musique en compagnon du silence. C’est de la nature que sont sortis Mozart, Debussy etc. Dans l’éternité, ce sont des oiseaux.

 

Et pourtant, c’est avec des mots qu’on dit à une femme : Je t’aime. Pas avec les fesses !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vite ! Une chatte !

 

Adieu, Harmaguédon –

 

Salut, nichons !

 

                                    f 1er novembre

 

 

 

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